Le retour
l'adolescent.
- T'es chanceux
d'aller encore à l'école, lui fit remarquer l'ami de sa soeur. Chez nous, il y
a pas un enfant qui a dépassé la septième année. Qu'est-ce que tu veux devenir?
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- Peut-être un
professeur, avoua Gilles après une brève hésitation.
- Première
nouvelle, admit Laurette qui venait de s'asseoir après s'être allumée une
cigarette.
- Si je peux, ben
sûr, compléta Gilles.
Un peu avant onze
heures, Pierre Crevier prit congé après avoir remercié Laurette et Denise de
l'avoir si bien reçu.
- Si t'as pas
trop haï ça, lui dit la jeune fille en l'accompagnant jusqu'à la porte, t'as
juste à revenir.
Après le départ
du jeune homme, Laurette ne put s'empêcher de dire à sa fille sur un ton
appréciateur:
- Ton Pierre m'a
l'air d'un bon garçon.
- C'est pas mon
Pierre, c'est le Pierre à sa mère, m'man, protesta Denise. C'est pas mon chum.
Je viens juste de le rencontrer.
- Fais pas trop
l'indépendante, ma fille, la tança sa mère sur un ton sévère. Tu vas avoir
vingt-trois ans cette année. T'es en train de prendre le chemin pour devenir
vieille fille. J'espère que t'as pas envie de passer ta vie toute seule.
Denise ne
répliqua pas à sa mère. Elle se dirigea vers sa chambre dans l'intention de se
préparer pour la nuit.
- Quant à vous
autres, dit la mère à ses trois plus jeunes encore présents dans la cuisine,
vous allez vous lever plus de bonne heure demain matin. Il est pas question que
vous alliez crottés à la messe.
- Ben, m'man,
voulut protester Richard.
- Vous avez voulu
profiter de ce que votre soeur avait de la visite pour pas prendre votre bain,
vous allez vous laver demain matin. A cette heure, il est assez tard. C'est
l'heure d'aller se coucher.
Laurette ne
trouva le sommeil que vers une heure du matin, après avoir entendu rentrer
Jean-Louis. Depuis sa
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majorité, à la
fin du printemps précédent, elle avait cessé de lui faire une scène chaque fois
qu'il rentrait plus tard que minuit. Il n'en restait pas moins qu'elle ne
pouvait trouver le sommeil que lorsqu'il était rentré.
La mère de
famille s'endormit, en proie à des idées noires. Elle sentait que le contrôle
de ses enfants lui échappait peu à peu. Denise se faisait un ami sans lui en
avoir parlé, Jean-Louis ne lui disait pratiquement rien et considérait la
maison comme un hôtel et Carole ruait dans les brancards... Gilles était peut-être
tranquille, mais Dieu savait ce que Richard faisait hors de la maison.
Le lendemain
après-midi, l'appartement des Morin était pratiquement désert. Carole et son
amie Mireille avaient accompagné Gilles et Richard à une partie de baseball
disputée au parc Frontenac, malgré le temps maussade.
Denise, réfugiée
dans sa chambre, s'était assoupie en lisant un roman. Quant à Jean-Louis, la
mère de famille, occupée à terminer son repassage, aurait été incapable de dire
où il était passé. Le jeune homme s'était esquivé après le dîner sans dire où
il allait.
Laurette
suspendait une chemise de son aîné fraîchement repassée quand elle entendit la
porte d'entrée s'ouvrir.
- Qui c'est?
demanda-t-elle en reprenant place derrière sa planche à repasser.
Pas de réponse.
Il n'y eut que des pas dans le couloir.
- Qui est-ce qui
vient d'entrer? répéta Laurette d'une voix impatiente.
- C'est juste
moi, répondit la voix tranquille de Gérard.
En entendant le
son de la voix de son mari, le coeur de la femme eut un raté. Elle faillit
renverser la planche à repasser dans sa précipitation pour se rendre dans le
couloir
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où elle trouva
Gérard en train de déposer sa valise dans l'entrée de leur chambre à coucher.
Derrière lui, Rosaire Nadeau souriait tout en refermant la porte.
- Ma foi du bon
Dieu! C'est pas vrai! Dis-moi pas qu'ils ont fini par te laisser sortir!
s'exclama Laurette en embrassant son mari et en le serrant contre elle.
- On le dirait
ben, dit ce dernier sur un ton tranquille.
Il faut croire
que les soeurs en avaient assez de me voir la face.
- Entrez tous les
deux. On va se faire une tasse de café, offrit-elle, tout excitée. J'en reviens
pas, ajouta-t-elle en les précédant dans la cuisine. C'est les enfants qui vont
être contents de revoir enfin leur père.
- Je reste pas
plus que cinq minutes, intervint son beau-frère. J'ai de l'ouvrage en retard.
J'ai un
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