Le retour

jeunes
prirent ce dont ils avaient besoin et quittèrent le local.
     
    - Je vais prendre
l'est, décida Paul Jutras. Je vais faire le côté sud jusqu'à Arbour et, après,
je vais traverser sur le trottoir d'en face.
     
    - C'est correct,
accepta Richard. Moi aussi, je vais faire un bord de la rue. Je vais faire
jusqu'à De Lorimier avant de revenir de l'autre côté de la rue Sainte-
    Catherine.
     
    En cette dernière
soirée du mois de mai, les badauds étaient nombreux sur les trottoirs de la rue
Sainte-
    Catherine et bien
peu prêtèrent attention à l'adolescent en train de clouer une affiche cartonnée
sur chacun des poteaux. Le "Votez libéral, votez Dupuis" écrit en
lettres rouges au bas de chacune attirait l'oeil.
     
    Lorsqu'il arriva
devant l'église Saint-Vincent-de-Paul, Richard eut une idée qui allait sûrement
plaire à son patron.
     
    Il monta les
marches du parvis, déposa par terre la pile d'affiches qui l'encombrait, saisit
son marteau et se mit en devoir de clouer une affiche sur l'une des portes de
l'église.
     
    Il allait reculer
de quelques pas pour juger de l'effet de son affiche quand il se sentit
brusquement saisi au collet par une poigne de fer.
     
    - Est-ce que je
peux te demander ce que tu fais là?
     
    tonna à ses oreilles
la voix de stentor du curé Perreault.
     
    Le cloueur
d'affiches, stupéfait, tourna la tête et aperçut la figure rouge de colère de
son curé à quelques pouces à peine de la sienne. De surprise, il en échappa son
marteau.
     
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    - Vas-tu te
décider à me répondre? reprit la voix du pasteur, lourde de menace.
     
    - Ben, je mettais
une affiche pour les élections, monsieur le curé.
     
    - Sur la porte de
la maison de Dieu, espèce de voyou!
     
    Au bord de
l'apoplexie, Damien Perreault lâcha le collet de la chemise de Richard pour
l'attraper par une oreille.
     
    - Tu vas
m'enlever cette cochonnerie de là tout de suite, tu m'entends, effronté? Si
jamais j'en revois une sur mon église, je te fais arrêter. Envoyé! Ôte-moi ça
de là!
     
    Richard
s'empressa d'arracher l'affiche qu'il venait de clouer.
     
    - Arrache aussi
ton clou! lui ordonna sèchement le prêtre.
     
    L'adolescent,
blanc comme un drap, arracha le clou.
     
    - A cette heure,
disparais de ma vue. Je t'ai assez vu, lui ordonna Damien Perreault en lâchant
son oreille.
     
    Au moment où
Richard pivotait sur lui-même pour descendre les marches du parvis, les cloches
sonnèrent pour inviter les fidèles à venir participer à la dernière récitation
du chapelet du mois de Marie. Il s'aperçut alors qu'une vingtaine de personnes,
debout sur le trottoir, avait assisté à la scène. Il s'empressa de traverser la
petite foule de badauds et s'éloigna, fâché contre lui-même de s'être laissé
prendre par le curé de la paroisse.
     
    Quelques dizaines
de pieds plus loin, le jeune homme avait cependant retrouvé tout son aplomb et
il se remit au travail. Meloche immobilisa sa Dodge noire le long du trottoir
alors qu'il se trouvait près de la* rue Parthenais.
     
    L'homme jeta un
coup d'oeil à la dernière affiche qu'il venait de clouer, le félicita pour son
travail et lui laissa une pile d'affiches.
     
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    - Continue comme
ça, mon garçon, lui dit-il. T'as le tour. Tu fais une bonne job.
     
    Ragaillardi par
ces paroles, Richard se remit au travail avec entrain pendant que Meloche
s'éloignait à bord de son automobile.
     
    Quelques minutes
plus tard, sous le pont Jacques-
    Cartier, il se
permit de clouer la photo d'Yvon Dupuis sur celle du candidat de l'Union
Nationale sur deux poteaux voisins.
     
    L'adolescent
n'avait pas remarqué deux individus assis à proximité dans une vieille
Chevrolet. Les deux hommes l'avaient regardé faire avec un intérêt non déguisé.
Finalement, après s'être brièvement consultés, ils s'extirpèrent de leur
véhicule, armés l'un et l'autre d'un bâton de baseball.
     
    Leur figure patibulaire
et leur carrure imposante incitèrent les passants à hâter le pas quand ils
s'approchèrent de Richard Morin.
     
    Ce dernier les
aperçut au dernier moment. Il devina tout de suite à qui il avait affaire. A
l'instant où il s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, l'un des inconnus
aux bras abondamment tatoués lui barra la route et l'attrapa par un bras.
     
    - Pas si vite, le
morveux! lui ordonna-t-il en le repoussant durement vers le mur de brique d'une
vieille maison.
     
    - Qu'est-ce que
tu viens de faire là? lui demanda