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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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barbare.
    — Sur ce point, je suis d’accord avec lui, approuva Matveï. Mais ne me demande pas de qui il s’agit, je n’en ai pas la moindre idée. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de le découvrir !
    Il se troubla et, baissant la tête, fit quelques pas en silence.
    — J’aimais Anna comme si c’était ma propre fille, reprit-il d’une voix sourde. C’était une enfant capricieuse et insouciante, capable de toutes sortes d’imprudences. Aussi, j’avais constamment l’œil sur elle. Je la surveillais à son insu, bien entendu. En vain ! Je n’ai rien appris sur ses fréquentations – je veux dire, rien qui sorte de l’ordinaire.
    — Tu lui laissais trop de liberté, observa sèchement Artem. Anna ne vivait même pas dans un térem !
    — Je la gâtais trop, acquiesça Matveï d’un air coupable. Mais enfin, nous étions deux à la protéger ! Boris se faisait autant de souci, il savait qu’Anna lui cachait une partie de sa vie.
    — Il devait souffrir de ne pas être dans le secret, supposa Artem. Il se sentait trahi, pas vrai ?
    Matveï réfléchit un instant avant de répondre.
    — Je ne dirais pas cela. Certes, ce garçon a une âme tourmentée et il veillait jalousement sur l’honneur de sa sœur. Mais en même temps, il lui faisait confiance. Ces deux-là s’aimaient d’un amour si pur, si absolu…
    — Que veux-tu dire exactement ? s’étonna le droujinnik.
    — Honni soit qui mal y pense ! Ma petite fille idolâtrait Boris. Ils étaient liés par un sentiment bien plus fort que celui qui existe d’ordinaire entre un frère et une sœur. Puis Anna a découvert le véritable amour, le souffle de la passion. Du jour au lendemain, elle s’était épanouie comme une rose, elle paraissait métamorphosée. Naturellement, lorsque nous l’interrogions, elle niait tout. J’avoue que moi-même, je continuais à avoir des doutes…
    — Explique-toi !
    — Eh bien, Anna ne quittait presque plus le domaine, mais j’avais beau l’épier et fouiller la maison, je n’ai jamais aperçu l’ombre de cet homme ! Comment faisait-il pour la retrouver ? Mystère ! J’ignore tout du lieu de leurs rendez-vous – sauf évidemment le dernier.
    — Où étais-tu au moment où Boris a découvert le corps de sa sœur ?
    — Comment ça, Boris ? C’est moi qui ai découvert la pauvre enfant ! Ce jour-là, Anna ne s’était pas montrée pendant le déjeuner. Cela lui arrivait souvent de sauter un repas. Elle préférait rester dans le jardin, à cueillir des baies ou à rêvasser sous une tonnelle. Nous sommes donc partis à sa recherche, mais j’étais seul quand je me suis aventuré jusqu’à cette clairière de malheur. C’est là que je l’ai vue. Elle avait la gorge ouverte, un flot de sang inondait sa poitrine. Ma petite fille…
    La voix de Matveï se brisa. Il continua d’avancer tête baissée, en trébuchant. Artem voulut le prendre par le bras mais il s’écarta vivement.
    — Ne te méprends pas, boyard ! Ce cauchemar me poursuivra pour le restant de mes jours, mais je ne risque pas de m’effondrer comme Boris.
    — Que veux-tu dire ?
    — C’est bien ce qui est arrivé, pardi ! J’ai appelé au secours et Boris est accouru. Ce vaillant jeune homme n’a même pas pu s’approcher d’Anna. Dès qu’il l’a aperçue, il a tourné de l’œil et s’est effondré comme une masse. Lui et moi, nous ne sommes pas de la même pâte, voilà tout ! J’ai combattu les Koumans et j’ai eu ma ration d’atrocités en tout genre… Mais, par Dieu, j’ai rarement contemplé un spectacle aussi horrible. Anna ne portait qu’un jupon de soie déchiré, le sang s’échappait de sa gorge et ruisselait sur ses seins nus, et – suprême atrocité – son bas-ventre était tailladé à coups de poignard.
    Matveï se tut. Ils marchèrent quelque temps en silence, puis Artem reprit la parole :
    — Tu as dû entendre parler du meurtre d’Olga. Son corps a été mutilé tout aussi sauvagement. Avant cela, plusieurs autres jeunes filles ont péri de la même façon. Et ce n’est pas fini : aujourd’hui encore, il y a eu un nouveau meurtre, en tout point semblable aux précédents.
    Matveï s’arrêta, pétrifié de stupeur.
    — Qui peut faire ça à des jouvencelles innocentes ? bégaya-t-il. Un amant jaloux est sans doute capable de tuer dans un accès de fureur, mais pas comme ça !
    — Le fait est qu’un fou sanguinaire sévit dans

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