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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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notre ville, martela le droujinnik. Anna n’a été qu’une de ses victimes.
    Comme Matveï demeurait immobile, Artem se rendit compte qu’ils venaient d’arriver devant le domaine de Boris. Matveï se passa la main sur les yeux pour éloigner les visions qui le hantaient.
    — Daigne entrer, boyard ! Nous pourrons continuer à discuter devant une carafe d’hydromel, proposa-t-il.
    Le droujinnik acquiesça. Matveï poussa le portail et ils cheminèrent dans l’allée qui menait à l’ancienne demeure qu’Artem connaissait déjà. Le domestique accouru les informa que le jeune maître n’était pas là. Matveï le renvoya d’un geste et gravit les marches du perron. Avant de pénétrer dans la maison, il désigna un grand chêne au feuillage encore dense qui se dressait à une dizaine de coudées de la façade. L’une des branches, cassée, traînait par terre.
    — C’est ici que ton collaborateur si discret montait la garde tout à l’heure, déclara-t-il d’un ton ironique.
    — Tu as bien fait de me rappeler cet incident, répliqua Artem, imperturbable. L’expérience de ce brave Varlet a été fort utile. C’est sûrement en escaladant ce chêne que l’amant d’Anna communiquait avec elle. Mitko a identifié sa chambre grâce à la coiffeuse chargée de flacons de parfums. Ton invitation tombe à point nommé, car il faut que j’examine ces fioles pour les besoins de l’enquête.
    Matveï écarta les mains d’un air navré.
    — Je crains, boyard, que ce ne soit pas possible – du moins, en l’absence de Boris. Viens, tu vas t’en assurer par toi-même !
    Il conduisit Artem, à travers la grand-salle, vers un escalier en colimaçon qu’ils montèrent. Au premier étage, Matveï longea le couloir avant d’introduire Artem dans une pièce aux murs tapissés de tentures aux couleurs chaudes. À côté d’un lit masqué par un rideau se trouvait une étagère chargée de coffrets à bijoux et de bibelots. Une coiffeuse surmontée d’un miroir et deux fauteuils complétaient le mobilier. Artem s’approcha de la coiffeuse et examina les traces de poussière encore visibles à sa surface.
    — Où se trouvent les flacons qui étaient disposés ici ? s’enquit-il.
    — À la cave. Ce matin, Boris y a rangé les récipients qui contenaient essences et produits de soins, ainsi que toutes les coupelles, lamelles et autres ustensiles qu’Anna appelait « ses outils d’apothicaire ».
    — Elle était donc versée dans la science des herbes médicinales ?
    — Anna partageait cette passion avec son frère. Boris s’intéressait à la puissance qui se cache dans des plantes méconnues. Quant à Anna, elle raffolait surtout des aromates. Les parfums, c’était son péché mignon ! Quand elle ne concoctait pas ses propres mixtures odorantes, elle courait les droguistes à la recherche de leurs nouvelles préparations. Elle dépensait une fortune pour ces fichus parfums ! Il y avait toujours un bataillon de flacons rangés sur sa coiffeuse.
    — Pour quelle raison Boris a-t-il soudain décidé de les cacher ? dit le droujinnik. Aurait-il voulu empêcher que je les découvre lors de ma prochaine visite ?
    — Par le Christ, je l’ignore, boyard ! s’exclama Matveï en appuyant la main sur son cœur.
    — Alors, conduis-moi à la cave ! ordonna Artem. Je veux les voir sur-le-champ !
    Matveï réprima un soupir d’agacement. Ils redescendirent l’escalier en colimaçon derrière lequel se trouvait une trappe fermée par un cadenas. Matveï s’absenta quelques instants et revint muni d’une clé et d’une chandelle allumée. Il tendit le bougeoir à Artem pendant qu’il ouvrait le cadenas et soulevait l’abattant. Le droujinnik se pencha vers le trou noir et béant. Il sentit des relents d’humidité et distingua le haut d’une échelle en bois.
    — Je vais passer le premier, déclara Matveï en lui reprenant la bougie. Au-dessous, il y a une vaste salle avec des torches fixées aux murs. Le temps de les allumer, et tu pourras me rejoindre.
    Il s’accroupit, posa précautionneusement un pied sur le degré supérieur de l’échelle et se mit à descendre. Aussitôt, un craquement sinistre se fit entendre. Matveï poussa un cri de terreur : il venait de s’enfoncer d’un seul coup d’une dizaine de pouces. Il avait lâché la bougie qui s’éteignit en tombant, et il cherchait désespérément à se raccrocher aux rebords de la trappe. En une fraction de

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