Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
l’instant, il ne s’agit que d’une rébellion isolée. Tu conserves le contrôle des autres légions. Quant au Sénat, une grande partie des Pères conscrits t’est encore acquise, César. Tu n’auras aucun mal à châtier les quelques traîtres qui s’épuisent dans l’ombre, lorsque tu seras à Rome. En attendant, il faut mettre fin aux prétentions des Syriennes. Tu en as encore la possibilité.
L’empereur parut quelque peu revigoré par ces derniers mots. Il se redressa et retrouva tout à coup sa dignité.
— Que proposes-tu pour contrer les manigances de ces femmes ? demanda-t-il à Julianus.
— Puisque Varius représente le seul moyen et le seul espoir des Syriennes de s’emparer du pouvoir, fais-le arrêter et exécuter. Il est encore temps !
— Pour que les soldats m’exècrent davantage ? Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. On m’impute déjà la mort de Caracalla, je ne veux pas avoir sur les mains le sang de ce morveux ! De plus, je crois savoir que la seconde fille de Maesa a, elle aussi, un garçon.
— Oui, Alexianus.
— Si j’élimine Varius, les Syriennes comploteront pour imposer son cousin. Et rien ne sera réglé !
— Sauf si tu fais pendre le cadavre de Varius en haut des remparts d’Émèse. Tes ennemis prendront peur et n’oseront peut-être pas risquer la vie du jeune Alexianus. Quant aux légionnaires, ils apprendront à te craindre et à te respecter. Et pour ce qui est de l’or des Syriennes, confisque-le-leur. Cela mettra définitivement un terme à leurs manigances !
— Comment le leur confisquerais-je ? Cet or est enfermé dans le temple du Soleil, et tu sais que celui-ci est inviolable.
— Inviolable ? Tu es l’empereur de Rome, tu peux pénétrer où bon te semble !
— Pas dans un lieu sacré.
— Il n’est sacré que pour les Syriens ! Rome a pillé et incendié bien d’autres sanctuaires ! Souviens-toi du temple d’Apollon à Delphes, et de celui de Jérusalem que Sylla a saccagé. Titus s’est emparé du temple des Juifs et l’a même détruit. Aucun dieu ne les a foudroyés pour cela.
— Je ne sais pas. Faut-il vraiment en arriver à de telles extrémités ?
— C’est à toi de décider. Mais si tu refuses d’éliminer le jeune prêtre, utilise au moins les armes des Syriennes pour te battre !
— Il faudrait donc que j’achète l’armée… murmura Macrin en fronçant exagérément ses sourcils blanchis.
Il tordit sa bouche dans une grimace qui n’avait rien d’aristocratique, mais qui montrait combien cette idée répugnait à l’ancien intendant connu pour son avarice.
— Oui, répliqua Julianus. Il est indispensable que tu achètes l’armée. Et puisqu’il faut aux soldats un prétendant dans la fleur de l’âge, présente ton fils Diaduménien comme ton successeur.
Macrin approuva d’un signe de tête.
— Tu dois te rendre au plus vite au camp de Raphanae, continua Julianus. Montre-toi aux soldats et parle-leur. Promets-leur un donativum (34) et menace ceux qui refusent de se rendre. Montre-toi ferme et clément à la fois. Ils t’écouteront et se rallieront à toi.
L’empereur retint un soupir de lassitude. Pourquoi n’avait-il pas dix ans de moins ? Il aurait trouvé le courage et la force de rencontrer ces traîtres de la légion gauloise et de leur imposer son autorité. Il aurait pu suivre les conseils avisés de Julianus. Mais aujourd’hui, il se sentait « hors d’âge » comme disaient les Romains.
Et Épagathos qui restait introuvable ! Où pouvait-il être celui-là ? Son favori s’était-il enfui lui aussi pour rejoindre le clan des Syriennes ? Était-il possible que tout le monde l’abandonnât ?
— Je n’ai pas l’intention de me rendre à Raphanae, avoua Macrin en baissant les yeux. Mais tu as raison, mon dévoué Julianus : il faut agir. C’est toi qui iras au camp de la légion et qui parleras aux soldats afin de les ramener à la raison. J’ai toute confiance en toi, je sais que tu auras à cœur de remplir cette mission avec succès.
Le préfet du prétoire s’inclina légèrement devant l’empereur.
— Je ferai de mon mieux, César.
* * *
Julianus arriva devant les murs du camp révolté à la tête de quatre cohortes du prétoire, renforcées par deux manipules (35) de la II e légion parthique et dotées de nombreux engins de siège.
Il maudissait encore Macrin de ne pas avoir agi plus vite et de ne pas s’être
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