Le Temple Noir
me laisses en chemin. Rien à carrer de la vieille, répliqua la grosse spice girl.
Marcas soupira en les regardant s’éloigner :
— Et dire que l’on vante la politesse anglaise. (Puis s’adressant à l’employé de l’ambassade :) Andrew Chasteuil… Vous êtes de quelle origine ?
— Anglais par ma mère, Français par mon père, répondit l’homme qui tournait les talons en direction de la sortie. Je vous confirme que les bonnes manières sont tombées en désuétude. Hélas…
Ils empruntèrent le passage principal, noir de voyageurs, qui menait vers la file des taxis. Cafés, enseignes de vêtements, échoppes de bijoux, boutiques en tout genre, Antoine avait plus l’impression de se balader dans un centre commercial chic que dans une gare. La main sur leurs fusils d’assaut, deux jeunes militaires des groupes antiterroristes les croisèrent, mais n’avaient d’yeux que pour le mannequin, en porte-jarretelles, dans la devanture d’un magasin de lingerie.
— À l’approche des Jeux olympiques, les contrôles sont renforcés. Et à la différence de la France, les militaires ont des chargeurs approvisionnés. Mieux vaut ne pas être un barbu en ce moment, dit Andrew sur un ton placide en fixant un couple de Pakistanais, lui en djellaba, elle en burqa.
Antoine lui jeta un regard de biais et remarqua que son oreille droite était obstruée par un bout de plastique.
— Vous avez eu des infos sur notre affaire ?
— Non. Je m’occupe juste de votre arrivée, un responsable de la sécurité vous briefera. Si ça roule bien, on en a pour vingt minutes.
Ils arrivèrent dans un passage plus étroit donnant sur une voie de stationnement pour taxis et dépose rapide. Un coupé noir, aux verres fumés, était garé, juste derrière la file de taxis. Antoine ralentit le pas et s’arrêta au niveau d’un panneau publicitaire à la gloire de l’équipe d’aviron anglaise. Des voyageurs pressés les dépassèrent pour accéder aux taxis. Les portes coulissantes s’ouvraient et se refermaient devant eux. L’homme de l’ambassade s’arrêta à son tour.
— Ça ne va pas ?
Antoine lança un regard circulaire autour de lui. Le flot de voyageurs ne se tarissait pas et deux autres soldats anglais avaient surgi dans son champ de vision. Il articula d’une voix neutre :
— Avant d’accepter votre charmante invitation, j’ai une petite question.
— Laquelle ? Nous sommes en retard et je…
— Depuis quand les services de sécurité sont-ils dotés d’armes non réglementaires ? le coupa Marcas.
L’homme ne bougea pas ; mais la fente de ses paupières s’amincissait, comme s’il faisait face au soleil.
— Je ne vois pas ce que vous voulez dire…
Antoine recula lentement, les yeux rivés sur la bosse de la veste.
— La crosse de votre pistolet n’est pas celle d’un Glock et encore moins d’un Walther, en usage dans les forces anglaises. Montrez-moi votre carte d’accréditation à l’ambassade…
Andrew ne répondit pas, mais murmurait des bribes de paroles que Marcas n’arrivait pas à saisir. L’oreillette.
Les deux hommes s’affrontaient du regard. L’hostilité figea le visage de Chasteuil. Marcas savait à quoi s’en tenir.
Il pivota pour marcher en direction de la patrouille de militaires, c’était sa seule chance.
À peine avait-il avancé de quelques mètres qu’il buta contre un type roux, aux cheveux frisés, sac à dos sur les épaules, le bras droit sous un gros blouson. Antoine fit un pas sur le côté gauche mais l’autre l’imita.
— Pardon, lança Marcas qui tenta de le contourner par la droite.
Le jeune homme se colla contre lui. De près, il avait le visage couperosé, grêlé de petits boutons blancs. Son haleine empestait la menthe.
— Tout doux, froggy. Andrew t’a invité dans sa voiture, dit l’homme en laissant apparaître le canon d’une arme sous le blouson.
Marcas tourna la tête et vit Andrew afficher à nouveau son sourire. Le jeune rouquin le poussa dans sa direction.
— On veut juste te parler dans un endroit plus discret.
— Ben voyons, avec un pistolet on se sent tout de suite plus bavard, répondit Marcas d’une voix blanche.
Il sentit le canon dans le creux de son dos tandis qu’Andrew marchait, lui, vers les portes coulissantes. Les voyageurs se pressaient autour d’eux, personne n’aurait pu remarquer qu’il était pris en étau entre les deux hommes.
Au moment où ils
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