Le tresor de l'indomptable
copie de la Carte du Cloître. La chronique qu’il avait d’abord découverte était fort ancienne. Elle lui était passée entre les mains et il l’avait recopiée. Vous savez ce qu’il en est, Sir Hugh : les manuscrits de valeur sont jalousement gardés par les scriptoria, les bibliothèques et les chancelleries des monastères. Paulents croyait qu’il ne la retrouverait jamais, mais, malgré tout, il s’est lancé à corps perdu dans son enquête. La difficulté, c’était qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi il en avait besoin. Il a fini par trouver une copie du document dans la bibliothèque du tombeau des Trois Rois à Cologne. Il a derechef transcrit la carte puis m’a écrit en proposant de venir en Angleterre afin de partir à la chasse au trésor, avec mon aide et celle du roi.
— Paulents et son entourage étaient-ils malades en débarquant à Douvres ? voulut savoir Corbett. Wendover prétend qu’ils étaient souffrants.
Castledene haussa les épaules.
— Ils étaient malades, c’est vrai, mais j’ignore de quel mal ils étaient atteints. J’ai demandé conseil à Desroches, le médecin de l’échevinat. Ils se plaignaient de sueurs froides et de lassitude. Moi, je tenais à ce qu’ils soient en sécurité.
Corbett étudia avec attention l’habile négociant.
— Ce n’est pas toute la vérité, déclara-t-il. Il y a autre chose, n’est-ce pas ?
Castledene sembla sur le point de protester, puis, se ravisant, ouvrit l’escarcelle suspendue à sa ceinture, en sortit deux morceaux de parchemin et les poussa sur la table vers son interlocuteur.
— Lisez ceci.
Le magistrat les saisit. Les mots étaient rédigés avec soin et d’une main sûre.
Voici ce que dit Hubert, fils de Fitzurse, l’Homme qui lit dans l’avenir. Tu as été pesé dans la balance.
Tes jours ont été comptés. Ton poids se trouve en défaut.
L’autre bout de parchemin portait le même message. Corbett leva les yeux.
— Quand les a-t-on remis ?
— L’un à Paulents dans sa taverne à Douvres ; l’autre m’a été donné à Cantorbéry. Ce doit être l’oeuvre d’Hubert Fitzurse, le demi-frère de Blackstock.
— Ne m’avez-vous pas dit qu’il avait disparu ?
— Si, mais il semble avoir refait surface à présent. Paulents et sa famille étaient certes mal en point ; cependant, les gardes de Maubisson n’étaient pas là pour veiller sur des malades...
Castledene désigna le document.
— ... mais plutôt pour les protéger contre ces menaces, et protéger en même temps le précieux manuscrit que Paulents avait apporté.
Castledene pria qu’on l’excuse, se leva à grand bruit et quitta la pièce. Il revint avec un coffret ciselé avec art dans un fanon de baleine. Il était enchâssé dans du bois et possédait des fermoirs façonnés. Le marchand extirpa de sa robe un trousseau de clés, ouvrit la serrure et fit jouer les fermoirs.
— Sont-ce là les clés de Paulents ? s’enquit Corbett.
— Oui, admit Castledene. Je les ai trouvées dans son aumônière.
— Vous auriez dû me le dire ! s’indigna Corbett. Je ne vous ai point vu à l’oeuvre !
— Je ne peux me fier à tout un chacun, Sir Hugh. Quand nous avons examiné les dépouilles, trop de gens rôdaient autour de nous. Il fallait que je vérifie. J’ai pris les clés et fouillé la chambre de Paulents. Voyez vous-même. Rien n’a été dérangé, pas plus que dans ce coffret.
Il souleva le couvercle et sortit deux rouleaux de parchemin. Le premier récapitulait les fonds dont Paulents disposait en Angleterre. Corbett ne comprit pas le sens du second : des lettres et des symboles divers étaient griffonnés sur un dessin qui ressemblait beaucoup au cloître d’un monastère.
— La Carte du Cloître, murmura Castledene.
— Je vais la garder, rétorqua le magistrat. Ranulf en fera une copie conforme et vous la donnera, mais je dois conserver l’original.
Castledene accepta à contrecoeur. Corbett glissa le document dans son escarcelle.
— Ces menaces, demanda-t-il en se penchant par-dessus la table, étaient bien adressées à Paulents et à vous ?
L’homme acquiesça.
— Donc ― Corbett gratta de l’ongle une goutte de cire sur la table — Paulents arrive en Angleterre. Il ne se sent pas bien. Il a reçu un message menaçant à Douvres et vous avez reçu le même à Cantorbéry, ce qui signifie qu’Hubert, le demi-frère de Blackstock, doit vous poursuivre tous les
Weitere Kostenlose Bücher