Le Troisième Reich, T2
relevé topographique des régions occidentales de l’U. R. S.
S. ; toutes trouvailles apportant l’évidence de sa mission d’espionnage.
Là encore, le ton demeure conciliant. Le gouvernement soviétique,
souligne la note, « a donné ordre de ne pas abattre les avions allemands
survolant le territoire soviétique tant que de telles infractions resteront
rares (97) ».
Encore et toujours l’attitude conciliante : pour complaire
à une requête du Führer, Staline expulsa de Moscou les représentants
diplomatiques de la Belgique, de la Grèce, de la Norvège, même de la
Yougoslavie, et ferma leurs légations. Il reconnut la légitimité du
gouvernement de Rachid Ali et enjoignit à la presse soviétique d’éviter toute
provocation à l’endroit de l’Allemagne.
« Ces manifestations calculées, écrit von Schulenburg
le 12 mai, témoignent de la part du gouvernement de Staline la volonté d’alléger
la tension actuelle des relations germano-russes et de créer un climat plus
favorable à l’avenir. Staline s’est toujours montré l’avocat de l’entente entre
le Reich et l’U. R. S. S. (98). »
Pour la première fois, l’ambassadeur allemand emploie le, terme :
gouvernement de Staline au lieu de gouvernement soviétique . Il y
avait à cela une bonne raison. Le 6 mai, Staline, dictateur absolu de la
Russie depuis longtemps, avait lui-même pris la place de Molotov à la
Présidence du Conseil des commissaires du Peuple, autrement dit, il se nomma
premier ministre, laissant à son prédécesseur les fonctions de commissaire du
Peuple aux Affaires étrangères. Jusqu’alors, l’autocrate omnipotent du Parti
communiste n’avait jamais occupé un poste gouvernemental proprement dit, et le
monde aux aguets en conclut que la situation devenait sérieuse, si sérieuse en
vérité que Staline pouvait seul la prendre en main en qualité de chef unique du
gouvernement soviétique.
Cette interprétation était exacte, mais une seconde, plus
complexe, fut donnée à la Wilhelmstrasse par von Schulenburg :
« A mon sens, dit-il, Staline s’alarme de la tension
croissante des relations germano-soviétiques et en rend la diplomatie
maladroite de Molotov en partie responsable. Il juge la situation
internationale très grave et vient d’assigner à sa politique étrangère un
objectif d’une suprême importance qu’il espère atteindre par ses efforts
personnels, à savoir, préserver l’U. R. S. S. d’un conflit avec l’Allemagne (99). »
Le dictateur soviétique, pourtant averti et retors, n’avait-il
donc pas compris qu’en dehors d’une abjecte soumission aux volontés d’Hitler
ses efforts demeureraient chimériques ? Il savait sûrement, je l’ai déjà
dit, ce que présageait l’occupation allemande de la Yougoslavie et de la Grèce,
le rassemblement de plusieurs divisions de la Wehrmacht en Roumanie, en Hongrie
et à la frontière polonaise. Nul doute non plus que les rumeurs commençant à se
répandre à Moscou ne lui fussent parvenues. Alors ?
Le 2 mai, von Schulenburg avertit la Wilhelmstrasse que les
rumeurs d’un imminent conflit germano-russe prenaient une ampleur inquiétante.
« Sachez, écrit-il, que nos démentis seront
inefficaces aussi longtemps que chaque voyageur allemand passant par Moscou non
seulement les confirme mais les appuie par des faits contrôlables (100). »
Continuez à démentir, ordonna Berlin, et à affirmer qu’il n’existe
pas de concentration de troupes allemandes aux frontières de Russie. Ajoutez,
au besoin, que des contingents considérables de la Wehrmacht (8 divisions, précise
la Wilhelmstrasse à titre d’information personnelle réservée à l’ambassadeur) sont
en ce moment même transférés d’Est en Ouest (101).
A la longue, von Schulenburg, diplomate chevronné, devint
soupçonneux, et ces instructions ne firent qu’accroître son malaise. D’autre
part, la presse mondiale commençait à divulguer à coups d’énormes manchettes
les préparatifs allemands le long des frontières russes. Bien avant cela, Staline
avait reçu plusieurs avertissements. Le plus pressant émanait du gouvernement
américain. En effet, au début de janvier, donc quatre mois plus tôt, un rapport
confidentiel de l’attaché commercial de l’ambassade des États-Unis à Moscou, Sam
Woods, apprenait à Washington, de source sûre, qu’Hitler se préparait à
attaquer la Russie au printemps. Son rapport, très long et détaillé,
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