Le Troisième Reich, T2
minuscule avion Fieseler-Storch et, après un décollage
périlleux, à partir d’une petite prairie hérissée de rochers qui se trouvait
au-dessous de l’hôtel, il s’envola vers Rome, d’où il repartait le même soir
pour Vienne à bord d’un avion de transport de la Luftwaffe (7).
Certes, Mussolini éprouvait une vive reconnaissance pour Hitler
et il l’embrassa chaleureusement lorsqu’ils se retrouvèrent deux jours plus
tard à Rastenburg, mais ce n’était plus qu’un homme brisé. La flamme qui le
brûlait s’était éteinte et, à la grande déconvenue d’Hitler, il manifesta fort
peu d’enthousiasme pour ranimer le régime fasciste dans la partie de l’Italie
occupée par les Allemands. Le Führer ne chercha pas à cacher sa déception lors
d’un long entretien qu’il eut avec Gœbbels vers la fin de septembre.
Le Duce (confiait Gœbbels à son journal après cet entretien)
n’a pas tiré de la catastrophe italienne les conclusions morales que le Führer
attendait… Le Führer espérait que le premier souci du Duce serait de tirer une
terrible vengeance de ceux qui l’ont trahi. Mais il n’en a manifesté aucun
signe, montrant ainsi ses vraies limites. Ce n’est pas un révolutionnaire de la
trempe du Führer ou de Staline. Il est tellement lié à son peuple, si
pleinement italien, qu’il manque des qualités nécessaires pour faire un
révolutionnaire et un insurgé d’envergure mondiale.
Hitler et Gœbbels étaient également exaspérés de ce que
Mussolini se fût réconcilié avec Ciano, et ils lui reprochaient de se laisser
mener par sa fille, Edda, la femme de Ciano. Tous deux s’étaient réfugiés à
Munich [228] .
Selon Hitler et Gœbbels, Mussolini aurait dû faire immédiatement exécuter Ciano
et fouetter Edda, ainsi que l’écrivait Gœbbels [229] .
Ils réprouvaient l’idée émise par Mussolini de confier à Ciano (« ce
champignon vénéneux » ainsi que l’appelait Gœbbels) un poste important
dans le nouveau Parti Républicain Fasciste.
Car Hitler avait insisté pour que le Duce fondât immédiatement
ce parti, et, le 15 septembre, poussé par le Führer, Mussolini proclamait
la nouvelle République Sociale Italienne.
Il n’en sortit rien. Le cœur de Mussolini n’y était pas. Peut-être
avait-il gardé suffisamment le sens de la réalité pour comprendre qu’il n’était
plus désormais qu’un pantin entre les mains d’Hitler, que lui et son « Gouvernement
Républicain Fasciste » n’avaient pour tout pouvoir que celui que le Führer leur accordait dans l’intérêt de l’Allemagne, et que le
peuple italien ne les accepterait jamais plus, ni lui, ni son fascisme.
Jamais il ne retourna à Rome. Il s’installa dans un lieu isolé, au
nord de l’Italie – à Rocca delle Caminate, près de
Gargnano, sur les rives du lac de Garde, où il était étroitement gardé par un
détachement spécial de la Garde S. S. ; Sepp Dietrich, le
rude vétéran S. S., détaché à cet effet de son 1er corps blindé, alors en
difficultés en Russie (ainsi se passaient les choses dans le Troisième Reich), y escorta la maîtresse de Mussolini, Clara Petacci. Son
grand amour retrouvé, le dictateur déchu parut n’avoir plus guère d’autre
intérêt dans la vie. Gœbbels, qui avait eu non pas une maîtresse, mais
plusieurs, manifesta hautement sa réprobation.
La conduite personnelle du Duce avec sa petite amie (écrivait-il
dans son journal le 9 novembre), que Sepp Dietrich a dû lui amener, donne
de sérieuses inquiétudes.
Quelques jours plus tôt, Gœbbels avait noté qu’Hitler commençait
à « rayer le Duce sur le plan politique », non sans l’avoir
auparavant contraint de « céder » Trieste, l’Istrie
et le Sud du Tyrol à l’Allemagne, étant entendu que Venise le serait par la
suite. On n’épargnait plus aucune humiliation à celui qui avait été un tyran
plein de fierté. Hitler fit pression sur lui pour l’obliger à arrêter son
gendre Ciano en novembre et à le faire exécuter à la prison
de Vérone, le 11 janvier 1944 [230] .
Au début de l’automne 1943, Adolf Hitler
pouvait à bon droit se targuer d’avoir jugulé les plus graves menaces qui
guettaient le Troisième Reich. La chute de Mussolini et la
reddition inconditionnelle du gouvernement de Badoglio en
Italie auraient fort bien pu exposer les frontières sud de l’Allemagne à l’attaque
directe des Alliés et leur ouvrir la voie – en partant du nord de
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