Le Voleur de vent
d’or. Le duc de
Sully tenait pour lui coffres grands ouverts mais ainsi était le comte que, par
principe, il n’aimait point payer les choses au-dessus de leur valeur. Aussi, après
avoir murmuré quelques mots à l’oreille du seigneur Yasatsuna, dit-il :
— Monsieur, avec votre silence, vous
irritez fort cet ami qui entend vous le montrer.
Yasatsuna s’approcha, salua Lepeyron d’une
aimable courbette puis, hurlant le cri des samouraïs, il abattit le tranchant
de sa main sur la table.
Celle-ci sembla un instant hésiter, puis s’effondra
en deux parties avec craquement sinistre sous les yeux arrondis de stupeur du
sieur Lepeyron.
Sousseyrac donna forte claque en le dos du
magicien en précisant :
— C’est là tour à sa façon de notre
espiègle ami, et ce tour ne doit rien à la magie. Voulez-vous qu’il vous donne
léger soufflet sur la nuque pour pulvériser celle-ci ?
Lepeyron protesta, mains levées devant lui :
— Tout doux, messeigneurs !… Je n’entendais
point me taire et reprenais simplement mon souffle avant que de vous conter la
suite.
— Parlez !… répondit Nissac d’une
voix froide.
— Eh bien… Je fus amené à dire à monsieur
le duc d’Épernon que l’homme que je connaissais, et qui était loup-garou, risquait
de ne s’offrir qu’à grand prix… Comprenez que j’étais intéressé à la chose, sachant
par ailleurs la grande fortune de monsieur le duc. Ainsi lui ai-je confié que « le
tâteur », que je n’appelais point ainsi, aurait de grandes difficultés à
se rendre libre car un autre payait ses services et…
Il hésita. Nissac demanda d’une voix dure :
— Quel autre ?
— En vérité, cet autre ne fut point
intéressé par « le tâteur » mais il n’empêche, il cherchait à
recruter loups-garous. J’ignore son nom et mon ami, qui n’avait point convaincu
le duc comme loup-garou, dit à celui-ci ce qu’il me dit à moi-même, qu’il s’agissait
d’un moine cachant son visage et ayant petite voix désagréable. C’est à cet
instant que le duc tressaillit.
— Qu’a-t-il dit ?
Lepeyron hésita une nouvelle fois.
Le seigneur Yasatsuna, sans qu’on lui demande
rien de pareil, s’approcha d’une vaste armoire et la regarda. Sa nuque
puissante bougea à peine, mais son front brisa la porte.
Lepeyron reprit vivement :
— Monsieur le duc dit simplement d’un air
rêveur : « Des loups-garous !… Il recrute des loups-garous pour
mieux nous commander alors que déjà nous lui obéissons tous ! »
Nissac réfléchit. Prodigieusement intéressé, il
estimait en savoir trop et pas assez. Il regarda froidement Lepeyron.
— Je veux rencontrer ce faux loup-garou.
Lepeyron secoua négativement la tête.
Sans un mot, le seigneur Yasatsuna s’avança
vers lui. Le magicien recula aussitôt en lançant :
— Il sera cette nuit sur le pont
Notre-Dame à guetter les femmes.
89
Le comte de Nissac comprit immédiatement, bien
avant ses amis. Pourtant, rien en la rue Saint-Leu ne donnait matière à nourrir
suspicion. Ici, deux hommes discutaient aimablement ; là, trois autres qui
semblaient s’amuser, et aucun de tous ceux-là ne regardait en direction de
Nissac.
Cependant…
Cependant, le comte tira l’épée et le bruit de
celle-ci sortant du fourreau agit en effet immédiat sur ceux qui l’accompagnaient
et l’imitèrent aussitôt.
Ils firent bien. Ainsi, aux hommes de la rue
qui avaient feint de tenir conversation s’en ajoutaient d’autres, une bonne
douzaine, qui bondirent de l’échoppe d’un tailleur en tenant l’épée à la main.
Le comte et la comtesse, entourés de
Sousseyrac, Fey des Étangs, Valenty et le seigneur Yasatsuna se placèrent dos
au mur de la maison de Lepeyron.
Et le combat s’engagea.
En retrait, le colonel Sotomayor observait ce
duel inégal en sentiment de grande honte, ne voulant point participer à ce qui
lui paraissait une infamie.
Cependant, et tandis que Nissac faisait rouler
en la poussière, et coup sur coup, deux adversaires, quand Sousseyrac, se
servant de ses épaules massives, fonçait en le tas et en culbutait deux que
Valenty cueillit alors au front, l’attention du colonel, un instant distraite
par Isabelle qui faisait jeu égal avec le redoutable Levrault, fut attirée par
chose d’une si grande étrangeté qu’elle ne ressemblait à rien de ce qu’il avait
jusqu’ici connu sur les champs de bataille.
Ainsi vit-il, non sans surprise, une
Weitere Kostenlose Bücher