Le Voleur de vent
ruine, et sur un
signe de leur maître, « Vert », « Rouge », « Bleu »
et « Jaune » avaient masqué leurs visages sous les têtes de loups
évidées.
On cogna aux barreaux de la charrette aménagée
en cage et les huit enfants somnolents, brusquement terrorisés par ce bruit du
métal frappant le métal, à quoi s’ajoutait la neige tombant en flocons serrés
et le spectacle des hommes de l’escorte, les huit enfants, donc, se mirent à
hurler, les plus petits entraînant les plus grands.
La chose amusait fort Aldomontano qui trouvait
ces enfants en état de grande stupidité : par quelle aberration du jugement
ne comprenaient-ils point que les hurlements de leurs petites voix aux
sonorités de cristal redoubleraient l’excitation de ses fauves assoiffés de
sang et de chairs tendres comme ayant mariné en le lait de nourrice ?
« Trop stupides pour vivre !… »
songea-t-il.
Puis il observa ses loups qui, de leurs mains
fébriles, ouvraient de nombreux cadenas qui fermaient les grilles de la cage.
Comme il tenait bien ses créatures en état de
dépendance !
Il loua le diable de l’avoir mené en la voie
de l’exorcisme où, entendant créatures possédées, il avait compris que l’enfance
attirait les hommes en état de pourriture morale.
Ainsi, les brutes qui avaient rudoyé et
humilié les femmes qui se succédaient en leurs couches voulaient toujours
davantage en leurs égarements et l’enfant se trouvait au sommet de la route de
perdition.
Il fut un temps, avant les loups-garous qu’il
réservait à sa garde personnelle et certain projet, où il avait fourni
les puissants en petites filles et petits garçons afin que tous ces seigneurs
puissent les outrager sans encourir de châtiments.
Toute chose s’arrêtait devant cette confrérie
des amateurs d’enfants. Des seigneurs et des membres du Parlement donnaient
grâce qu’en le peuple, on ne comprenait point. Un dossier était-il instruit
cependant, des juges le faisaient disparaître en les palais de justice. Les
hommes de prévôté s’assuraient-ils d’un violeur d’enfant, ils étaient joués par
leurs officiers qui libéraient les coupables en secret.
Amateurs d’enfants, pour pourris qu’ils soient,
tenaient place importante et ne s’abandonnaient point les uns les autres.
L’ambrosien soupira et tapa en ses mains. Aussitôt,
les loups-garous dressèrent vers lui leurs têtes inquiétantes tandis qu’il
lançait :
— « Jaune », qui n’est point là
depuis longtemps, mènera les enfants en les geôles. Vous autres, allez en les
campagnes hurler votre bonheur à la lune afin que vos cris ne m’assourdissent
point les oreilles et ne revenez qu’à la minuit, où votre contentement vous
attendra.
Incrédule, le
ministre du roi d’Espagne regardait monsieur le vice-amiral comte de Nissac, poitrine
nue, qui ferrait devant la forge le grand cheval aveugle tel un
maréchal-ferrant dont il posséderait tous les secrets.
Il le vit également brider, débrider, seller, puis
desseller l’animal, refaisant la chose aussi souvent qu’il lui fut nécessaire
jusqu’à ce que celui-ci ne frissonne plus.
Puis, une nouvelle fois – la millième ? –
monsieur de Nissac caressa le cheval et lui parla à l’oreille, en un
chuchotement que nul autre n’entendait.
Il parut fugitivement au ministre que le
cheval écoutait cette voix étrange, si douce et si grave. Il lui sembla même
que le cheval comprenait le sens des paroles qu’on lui soufflait mais, sachant
la chose tout à fait impossible, le ministre repoussa cette pensée.
Il ne s’expliquait point le comportement
singulier du Français, homme pourtant de grande réputation pour son jugement
rapide et sûr ainsi que pour la fermeté de son intelligence.
Trois jours plus tôt, au sortir des caves de l’inquisition,
monsieur de Nissac avait acheté le cheval aveugle au boucher qui déjà l’emmenait
pour l’abattre et depuis, il ne le quittait plus, se mettait en selle pour
tourner en la cour, allant même jusqu’à dormir en l’écurie.
Trois jours !
Le comte de Nissac n’avait point pris le temps
de visiter la ville de Barcelone, laissant son équipage s’y égailler sous la
discrète surveillance de la police de Philippe III.
On avait ainsi vu un baron géant, capitaine d’infanterie
d’assaut qui avait nom Jean-Baptiste Sousseyrac, quitter le bord précédé de
trois violons.
Un certain seigneur Yasatsuna hanta les
échoppes de
Weitere Kostenlose Bücher