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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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filles galantes sur le boulevard à quelques toises de l’Hôtel de Lévi.
    — C’est impossible. Un homme pieux, réservé, dans lequel le prince avait toute confiance !
    — Et j’ajoute, vous êtes sans doute informé, même à Paris, des événements qui se déroulent dans votre capitale, que ce même Dimitri ou Ivan pourrait être responsable de crimes identiques survenus à Saint-Pétersbourg.
    — Mais l’homme est ici !
    — Je n’avais pas achevé. Ces crimes ont cessé à peu près à l’époque où nous supposons que votre homme a quitté la Russie.
    — Ce que vous me dites est incroyable.
    — La question se pose… Je suis désolé de vous entêter avec tout cela et crains d’abuser de votre courtoisie et des facilités qui m’ont été prodiguées. Mais reste à savoir…
    — Au point où nous en sommes, je puis tout entendre.
    — Pourquoi le prince a-t-il accordé sa confiance,comme secrétaire privé, à Ivan Kripaeev, surgi d’une manière inopinée à la fin d’un périple de plusieurs mois en Europe ? Il y a là un point particulier à éclaircir. J’ajoute que l’homme peut être aussi impliqué dans les meurtres survenus ici même, mais également dans l’assassinat du comte de Rovski.
    L’ambassadeur, en dépit de sa maîtrise, ne put réprimer un mouvement d’effarement.
    — Monsieur, cela n’a pas le sens commun ! Je ne le peux croire. Quant à la confiance de Son Altesse, je vous sais avoir suffisamment l’usage des cours pour entendre que même moi, dans les fonctions que je remplis, ne suis pas toujours au fait des raisons de nos princes. Posez-lui la question, si toutefois il y consent.
    Il y avait un peu d’ironie dans ce conseil.
    — Je puis assurer Votre Excellence que je m’attacherai à préserver le secret d’une affaire – que dis-je ? – autour d’affaires qui, dans le cas où leur matière transpirerait dans le public, ne pourraient avoir que les conséquences les plus désavantageuses pour les intérêts de votre pays et les relations avec la France.
    — Avez-vous autorité et mission de M. de Vergennes pour me tenir ce langage ?
    — Ce que vous appelez langage n’est que la constatation des risques que nous encourons, vous et moi, dans un imbroglio qui touche de si près l’héritier de l’empire russe. Les avertissements confidentiels que je vous livre ne sauraient être que le reflet atténué de ce que M. de Vergennes pourrait vous faire entendre avec l’autorité qui est la sienne. Monsieur l’ambassadeur, puis-je vous demander de m’annoncer à Son Altesse impériale ?
    — Comme il vous plaira.
    Nicolas attendit quelques instants avant qu’un valet vînt le chercher pour le conduire au premier étage dans le cabinet du prince. Il le trouva, admirant avec Bariatinski une petite commode en écaille et bronze doré qui venait de lui être livrée.
    — Ah ! Monsieur le marquis, ne pensez-vous pas qu’il n’y a qu’à Paris qu’on trouve de pareilles merveilles ?
    — J’aurais mauvaise grâce, monseigneur, à vous démentir sur ce point.
    — On me dit que vous souhaitez me parler, je vous écoute.
    D’évidence l’ambassadeur s’était bien gardé de manger le morceau. Nicolas sortit la dague de son habit et la tendit au prince ; ce geste déclencha un premier mouvement d’effroi vite réprimé.
    — Votre Altesse impériale peut-elle me confirmer que cette pointe est bien celle dérobée à sa collection ?
    Revenu de sa surprise, Paul s’approcha et prit la dague dans ses mains pour l’examiner.
    — C’est elle, en effet. Mais par quel miracle, monsieur, l’avez-vous retrouvée ?
    — Par le fait qu’elle était détenue par votre secrétaire Dimitri.
    — Ah ! C’est donc lui que l’on doit féliciter ?
    — Pas exactement. À vrai dire, j’ai la regrettable obligation d’éclairer Votre Altesse. C’est Dimitri, trompant la confiance de Votre Altesse, qui l’a dérobée.
    Le visage du prince se retourna du tout au tout, comme saisi du haut mal, une série de tics agita sa face empourprée, ses yeux se révulsèrent. Paul grinçait des dents. Il poussa un long hululement. L’ambassadeur recula jusqu’à la muraille.
    — Comment ? s’écria Paul. Que dites-vous ? Êtes-vous fou ? Hein ? Hein ?
    — Je comprends que Votre Altesse s’irrite de cette situation. Il y a autre chose. Votre secrétaire Dimitri est convaincu d’avoir, la nuit dernière, assassiné, la mutilant

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