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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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raison d’être, dit Bembo de ce ton de formidable
ironie qui était son genre d’insulte.
    – L’argent que tu donnes coûte cher ! » riposta
l’Arétin.
    Bembo haussa les épaules et continua :
    « Ainsi donc, tu appelles Perina, tu me montres la chambre
où est enfermée Bianca ; je la décide, et alors tu nous fais
sortir sans qu’on nous voie.
    – C’est bien. Demeure ici une minute. »
    L’Arétin s’éloigna.
    Bembo s’était levé.
    Il attendit, le cœur battant, le visage convulsé, tel enfin
qu’il était apparu à Bianca dans les profondeurs de la forêt.
    Quelques minutes plus tard, l’Arétin reparut et dit :
    « Viens. »
    Bembo frémit de tout son corps.
    Il eut comme une hésitation. Puis, avec un geste de décision
tragique, il suivit l’Arétin.
    Celui-ci le conduisit à travers diverses pièces toutes plongées
dans l’obscurité. Il s’arrêta enfin devant une porte et
dit :
    « C’est là ! »

Chapitre 12 LA FILLE DE LA COURTISANE
    On a vu, au commencement de la dernière scène que nous venons de
raconter, que l’Arétin, sur la prière, ou plutôt sur l’ordre de
Bembo, s’était débarrassé de son valet, en l’envoyant au loin.
    Bembo avait demandé que ce valet – le seul qui l’eût vu entrer
dans le palais – fût enfermé jusqu’au lendemain matin. Mais en
somme, la commission lointaine répondait au but qu’il
cherchait.
    Ce valet, sous les yeux de l’Arétin, s’embarqua dans une
gondole, et le poète rentra rassuré dans son palais.
    La gondole s’éloigna.
    Mais, à cinq cents pas du palais, le valet la fit arrêter et
sauta à terre. Il se dirigea rapidement vers l’île d’Olivolo en
évitant de passer aux abords du palais Arétin.
    Il ne tarda pas à arriver dans l’île et entra dans la maison
Dandolo, sans hésitation, comme s’il y fût déjà venu plusieurs
fois.
    Il était apparemment connu dans la maison, car le vieux Philippe
le salua amicalement d’un « bonjour, Gianetto ».
    Ce valet, en effet, n’était autre que le jeune marin rencontré
un jour à Mestre par Scalabrino.
    Celui-ci avait proposé d’entrer au service de Roland Candiano.
Il paraît que Gianetto avait trouvé des avantages positifs à passer
au service de Bartolo le Borgne et de Sandrigo à celui de Roland,
puisqu’il avait accepté.
    Roland l’avait alors placé chez l’Arétin, soit pour surveiller
le poète, soit pour être au courant de ce qui se passerait dans son
palais.
    « Le maître est-il là ? demanda Gianetto en arrivant à
la maison de l’île d’Olivolo.
    – Non. Il est venu cette nuit.
    – Reviendra-t-il ?
    – Ce soir, peut-être.
    – Je l’attendrai donc. »
    Et Gianetto attendit en effet, et passa la journée dans la
maison.
    Cela dit, revenons maintenant à Bembo que nous avons laissé
devant la porte de la chambre occupée par Bianca.
    « C’est là ! » avait dit l’Arétin.
    Bembo entra et vit Bianca assise près d’une table.
    En le voyant, elle se leva toute droite, et d’un mouvement
instinctif, se plaça derrière la table qu’elle mit ainsi entre elle
et le cardinal.
    En face de la porte, il y avait une fenêtre avec des
rideaux.
    Bembo ferma la porte, mit la clef dans la poche de son
justaucorps, et sans paraître avoir vu Bianca, alla à la fenêtre.
Il l’entrouvrit, se pencha.
    La fenêtre ne donnait pas sur la façade, c’est-à-dire sur le
canal.
    Elle s’ouvrait sur une ruelle latérale.
    Bembo constata que la ruelle était déserte et noire.
    La fenêtre était au premier étage, c’est-à-dire environ vingt
pieds au-dessus de la chaussée.
    Ces constatations faites, Bembo se retourna vers Bianca, et il
la vit armée de son petit poignard.
    Il eut un sourire sinistre.
    À ce sourire de Bembo, la jeune fille répondit par un regard si
droit, si ferme, qu’il semblait un flamboyant reflet d’audace.
Forte comme une guerrière antique, elle attendit l’ennemi, avec le
calme farouche des extrêmes résolutions.
    Au moment où Perina l’avait entraînée, Bianca, au bout de ses
forces, ayant à peine conscience de ce qui se passait autour
d’elle, brisée par l’effort énorme de sa lutte dans la forêt,
s’était laissé emmener sans résistance. Bembo eût réussi à ce
moment-là, s’il eût tenté un nouvel assaut.
    Arrivée dans la chambre de Perina, elle perdit connaissance.
    Le poignard qu’elle tenait à la main, véritable bijou, lame
forgée par le célèbre armurier Ferrera,

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