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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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aussi brillants, aussi amusants, aussi galants, que Pierre. Fêtée, courtisée, choyée, j’avais cédé, en partie du moins, aux charmes d’un encens encore nouveau pour ma jeune cervelle qui s’en était trouvée comme étourdie…
    Dans mon âme hésitante, les plaisirs de la vie mondaine avaient surpassé une présence à laquelle ne m’attachait encore qu’un bien fragile lien. Si je pensais néanmoins fort souvent à Ronsard, c’était davantage pour le plaindre que pour rêver à lui. Je l’imaginais travaillant avec Jean-Antoine de Baïf dans la modeste chambre que je connaissais à présent. Je m’apitoyais sur son sort, je ne croyais plus guère en son étoile. En même temps que l’éclat de celle-ci, la lumière de son amour avait pâli pour moi…
    Au 1 er janvier, il m’adressa un poème charmant :
     
    Douce beauté qui me tenez le cœur,
    Et qui avez durant toute l’année
    Dedans vos yeux mon âme emprisonnée,
    La faisant vivre en si belle langueur.
     
    Ha que ne puis-je atteindre à la hauteur
    Du ciel tyran de notre destinée ?
    Je changerais sa course retournée,
    Et mon malheur je muerais en bonheur.
     
    Mais étant homme il faut qu’homme j’endure
    Du ciel cruel la violence dure
    Qui me commande à mourir pour vos yeux.
     
    Donc je viens vous présenter, madame,
    Ce nouvel an, pour obéir aux cieux,
    Le cœur, l’esprit, le corps, le sang et l’âme.
     
    Je l’en remerciai sans doute avec trop de réserve, car je reçus en réponse une lettre douloureuse que m’apporta Catherine. Il m’y disait que mon passage dans la capitale lui avait somme toute procuré plus de tourments que de joie. Il me rappelait certain salut trop froid à son goût, un sourire adressé en sa présence à un autre galant, un geste d’impatience à son égard quand il m’avait un peu longuement entretenue, l’attention aimable, que, d’après lui, je prodiguais à tout venant, le soin que je prenais de ma réputation, la sagesse, la vertu, que je n’avais cessé de lui opposer. Il n’y avait pas jusqu’aux tendres heures de notre pavillon hivernal dont il ne trouvait moyen de se plaindre. Il décrivait comme draconiennes les conditions que je lui avais imposées à l’avance et m’assurait pour finir que je ne manquerais pas de déplorer plus tard une attitude aussi rigoureuse.
    Je pleurai un peu à la lecture de tant de reproches, puis je me consolai en me disant qu’il était flatteur d’être aimée avec pareil excès.
    L’hiver se traîna. Je guettais le retour de la Cour prévu pour le printemps.
    Au début du mois de mars, Jean de Pray, telle une hirondelle de bon augure, revint dans le Blésois. Il ne tarda pas à se présenter à Talcy pour nous saluer, ma mère et moi.
    Son retour mit un peu d’animation dans nos vies provinciales. Il rapportait avec lui des effluves de Paris ainsi que les derniers potins de la Cour.
    La Dauphine était de nouveau enceinte, ce qui réjouissait à la fois le Roi et le Dauphin, toujours assez éloignés, par ailleurs, l’un de l’autre.
    François I er , dont la santé demeurait chancelante, continuait néanmoins à se déplacer selon son habitude de château en château. Il trouvait encore la force de chasser presque chaque jour, entraînant à sa suite ses familiers, dont, bon gré mal gré, le Dauphin faisait partie. Mécontent de se voir supplanté au gouvernement par les favoris de la duchesse d’Étampes, le fils du Roi avait refusé de présider le Conseil privé. Il se détournait d’une tâche où il n’y avait pour lui que des déceptions à récolter. Entouré d’une suite de jeunes gens ambitieux et piaffants qui cherchaient tous à obtenir les faveurs du futur maître de la France, il s’adonnait en leur compagnie à des divertissements qui lui permettaient de noyer ses rancœurs dans des actions violentes. Mais les intrigues allaient bon train dans son entourage. Lui-même était parfois suspecté par le Roi son père d’y participer.
    — Heureusement qu’il y a la Grande Sénéchale pour apaiser l’esprit inquiet du prince, faisait remarquer d’un air entendu Jean de Pray. C’est une très adroite personne. Elle détient sur le Dauphin la meilleure influence. En attendant son heure, elle l’amène habilement à composer.
    Il n’y avait pas que Diane de Poitiers pour savoir se montrer bonne manœuvrière. Je remarquai bientôt que le seigneur de Pray conduisait en même temps une double démarche sous notre

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