Les chevaliers du royaume
que par l’aide de Dieu. Aide dont il aurait aimé s’enorgueillir lui aussi.
Pourtant, résister n’avait pas été facile et ce premier succès tenait tout autant au talent de Balian, à la chance et à ses dons de chef qu’à l’aide du Ciel.
Au petit jour du 20 septembre, il y avait de cela plus d’une semaine, près de six mille hommes, fantassins, archers, piquiers et soldats du génie, avaient marché sur la ville. Les étendards jaune et noir du sultan flottaient au vent comme des voiles de houris ; les minces lames des sabres et des lances du Yémen jetaient des éclairs accompagnés de grondements de tonnerre causés par la chute de très gros rochers envoyés contre les murailles de Jérusalem par les machines de guerre de Saladin. Mais la ville tenait bon. Quelques défenseurs avaient été précipités dans le vide par l’effondrement d’un rempart ; mais derrière, un autre tout aussi solide s’élevait, récemment construit par les gens d’Algabaler et de Daltelar. On s’encourageait en chantant des psaumes, notamment celui de l’Oultremer : Que le Saint-Sépulcre soit notre sauvegarde ! On louait le Seigneur et on buvait de grandes rasades de vin, à même les tonneaux hissés au sommet des enceintes. On insultait les Sarrasins : « Chacals ! Pourceaux ! Vermine ! » Mais les Mahométans n’entendaient pas les injures. Portés par le son des tambours et des flûtes, ils montaient à l’assaut des murailles en rangs serrés.
À genoux entre deux créneaux, des Hiérosolymitains priaient, bien décidés à rester de marbre sous la pluie de flèches ennemies. Malheureusement, leurs corps étaient criblés de traits épais, qui les transperçaient de part en part, et les faisaient tomber à la renverse. Aussitôt, d’autres hommes venaient les remplacer – même si beaucoup trouvaient plus prudent de boucher les créneaux par des boucliers ornés d’une croix.
In hoc signo vinces ! répétait à l’envi Balian II d’Ibelin, en encourageant son armée improvisée à porter ce symbole sur le champ de bataille. Et tous l’arboraient, qui au cou, qui brodé sur un vêtement, qui peint sur son bouclier.
— N’oubliez pas pour qui vous vous battez ! criait-il à ses hommes. Ils ne passeront pas !
Il ordonna aux catapultes de concentrer leurs tirs sur les plus lentes des troupes ennemies.
— Ce ne sont pas les cavaliers qui vont nous faire du tort, mais ceux-ci, armés de lourdes piques, portant des échelles assez hautes pour nous atteindre, ou poussant de longues galeries !
Galeries en treillages de bois que les assiégés voyaient avancer vers eux, pareilles à des toits glissant sur des roues.
Saladin avait envoyé quelques sapeurs à l’assaut des murailles, et c’est eux que Balian voulait empêcher d’approcher. Si les cavaliers restés en retrait ressemblaient, dans leur armure étincelante, aux pics enneigés de l’Hermon, les fantassins étaient des collines en marche, qu’il fallait aplanir sous les rocs.
Balian agita un lourd drapeau rouge, donnant le signal à ses hommes de libérer la tension qui maintenait au sol les lourdes caisses chargées de pierres. Brusquement, avec un bruit énorme, elles s’envolèrent vers le ciel, montèrent au firmament et éclatèrent en plusieurs fragments, qui retombèrent en pluie d’étoiles filantes sur les Sarrasins.
Une dizaine de pierres creusèrent autant de trous profonds dans les faubourgs de Jérusalem, y enterrant à tout jamais quelques soldats, fracassant même l’une des galeries que des hommes poussaient vers les remparts.
Puis ce fut au tour de deux longues lances de prendre leur essor. L’une d’elles traversa un cavalier et sa monture, qu’elle cloua définitivement à terre – comme un insecte sur une planche de bois ; l’autre se perdit dans l’azur.
L’onagre avait été placé au beau milieu du marché, vidé de ses étalages. Pour faire bonne mesure, les servants avaient ajouté aux rochers leurs ordures – car c’était, désormais, la seule façon de les sortir de la ville.
Des tombereaux d’immondices s’élancèrent donc à l’assaut du ciel, avant de retomber en une giboulée pestilentielle sur la tête des Sarrasins.
Les efforts de ces derniers durèrent toute la journée. Aux cris de Allah Akbar des milliers de fantassins coururent à l’assaut des murailles et s’y fracassèrent, pressés par les rangs suivants. À l’abri de leur bouclier, ils cherchaient à
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