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Les cochons d'argent

Les cochons d'argent

Titel: Les cochons d'argent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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m’asseoir à ma table, comme si de rien n’était. Je sentais encore le visage me picoter, à l’endroit où elle avait posé sa main avant de partir. Ma mère m’attendait. Combien de fois m’avait-elle vu revenir, le pas léger, après avoir reconduit une femme dans de pitoyables débordements d’affection… Mes amourettes se succédaient sans grande douleur pour personne. Elle vint s’asseoir en face de moi avec détermination.
    — C’est donc elle !
    Mon cœur se retourna sous une de mes côtes. J’esquissai un rire maladroit.
    — Comment l’as-tu deviné ?
    — Tu crois que je ne te connais pas !
     
    J’allongeai le menton et jetai un coup d’œil au plafond ; le regard distrait, je remarquai un renflement provoqué par les infiltrations d’eau de pluie. J’essayais de m’imaginer Helena telle que ma mère l’avait vue, avec cette peau délicate, ces bijoux d’une élégance discrète… Et ces manières irréprochables, au point de la faire paraître hautaine, même si, comme son père, elle laissait toujours transparaître un caractère bien trempé, souligné par un humour incisif… Helena Justina, fille de sénateur, discutant entrepôts et notes de frais avec la plus grande aisance, alors que ses yeux célébraient en silence le bonheur que nous avions partagé… Tout le monde savait que je cherchais – sans trop forcer… – quelqu’un du genre de Marina, la compagne de mon frère ; une bonne âme sans complications, avec un minimum de jugeote et un joli minois, sachant tenir son intérieur, et avec suffisamment de copines pour ne pas me traîner dans les pattes. Je n’avais pas besoin qu’on me le rappelle.
    Je gardai les yeux rivés sur la table, jouant avec quelques tiges d’estragon.
    — Alors, s’enquit ma mère, je lance les biscuits au safran pour les fiançailles, ou je me mets mon voile noir pour aller pleurer au temple de Junon ? Où cela va-t-il nous mener ?
    — Nulle part, dis-je dans un élan de lucidité. Elle t’a dit qui était son père, que veux-tu que je fasse ?
    Un nouveau pincement d’agacement passa sur son visage.
    — Marcus, vu le caractère de cette jeune femme, je doute que ce soit à toi d’en décider !
    Je levai mon visage abattu vers elle. Son regard ne me disait rien qui vaille.

52
    Comme je n’avais rien de mieux à faire ce soir-là, je me rendis chez le barbier au bout de la rue. Je pris place sur le trottoir et il entreprit de me lustrer le menton. Je réussis à faire un croche-pied au licteur d’un officiel de second plan, en faisant croire à un accident. Le licteur manqua de se castrer avec sa hache d’apparat ; je n’étais pas peu fier.
    J’allais la revoir… Qui ? me direz-vous. Personne… Juste une nana, une cliente… Ne faites pas attention à ce que je dis…
    Le fils du barbier, mâchonnant une saucisse de Lucanie, s’avança vers moi. Il avait 13 ans et, même s’il n’était pas complètement demeuré, il semblait devoir mobiliser tous ses neurones pour arriver à manger sa saucisse – les enfants de ma sœur Maïa l’avaient surnommé Platon.
    — Falco, y’a une jeune dame qui t’attend d’vant chez toi !
    Rarement un homme se redressa aussi vite alors qu’un rasoir espagnol se baladait sur son cou.
     
    J’enjambai un baril de coques, contournai au plus vite une pile d’amphores vides et me cognai le crâne contre un panier de fleurs suspendu devant les pompes funèbres, où des chanteurs se chauffaient la voix – non pour une veillée funèbre, mais pour le Triomphe du lendemain. La ville entière allait être en fête. Le moindre petit musicien descendrait dans la rue pour distraire les foules, et par là même donner l’occasion aux pickpockets d’exercer leur savoir-faire.
    Je ne trouvai aucune « jeune dame ». Et pour cause, cet imbécile de Platon n’avait vu que Lenia, qui m’attendait en effet devant sa blanchisserie, l’air peu fière.
    Une blanchisseuse habituée depuis vingt ans à se justifier d’avoir égaré des petites culottes ne se laisse pas démonter aisément. Je craignais le pire. À juste titre… Afin de célébrer le Triomphe de notre empereur, elle méditait un geste de pure folie : notre reine des bassines aux biceps de fer allait plonger dans les liens du mariage.
    Quand les gens m’annoncent leur mariage, je m’efforce de ne pas leur balancer qu’ils font une grosse bêtise. Si toutes les unions vouées à l’échec devaient être

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