Les Conjurés De Pierre
et une vareuse avec des boutons en bois.
Elle dissimula sa chevelure abondante sous un chapeau en cuir qui couvrait sa nuque. À quoi ressemblait-elle ainsi déguisée ? Impossible de le savoir sans miroir, mais elle se sentait plus à l’aise qu’elle ne l’aurait imaginé a priori.
Sur le pont, l’équipage abattait les voiles auxquelles il était si facile de mettre le feu. Privé de ses voiles, un galion comme l’ Ambrosia devenait impossible à manœuvrer. En revanche, le navire du plénipotentiaire de Naples disposait d’un atout majeur dans son équipage rompu au maniement des canons. Les artilleurs étaient capables d’envoyer par le fond, ou au moins de contraindre à la fuite, n’importe quel assaillant.
Les pirates, pour la plupart venant d’Orient et y retournant pour approvisionner des villes entières, usaient de stratégies différentes pour parvenir à leurs fins. Ils disposaient de bateaux maniables et rapides ; grâce à leurs rameurs, ils pouvaient prendre de vitesse les plus gros navires. C’est vraisemblablement ce qu’envisageait de faire ce bateau de pirates qui approchait en ce moment par l’est, à en croire les deux rangées bien distinctes de rames superposées sortant puis replongeant dans l’eau. Les pirates avaient eux aussi abattu leurs voiles.
L’absence de pavillon sur le mât indiquant l’origine du navire confirmait les intentions malveillantes de l’équipage.
Les ordres du capitaine fusaient de toutes parts sur le pont :
— Canons à bâbord ! Mousquets et arquebuses en place, répartissez-vous à bâbord et à tribord !
Les nègres déplacèrent les pièces d’artillerie et les arrimèrent, non sans efforts, sur les socles.
— Plus vite, dépêchez-vous, si vous ne voulez pas tous finir au bouillon ! cria le capitaine.
À l’altération de sa voix, on pouvait mesurer la progression de son inquiétude.
— Chargez les canons et les mousquets !
Les marins avaient formé une chaîne pour sortir des cales les petits barils de poudre noire venant d’Inde. Il fallait deux hommes pour charger un canon ou un mousquet. Une douzaine d’arbalètes étaient déjà prêtes devant le gaillard d’arrière.
Le bateau des pirates ne cessait de gagner du terrain. À l’instant précis où le capitaine Luca se juchait sur un tonneau de poudre vide pour mieux se faire entendre, la voix de la vigie retentit dans la hune :
— Deuxième navire en vue à l’horizon, est-sud-est !
Le capitaine mit sa main en visière au-dessus des yeux et observa le bateau signalé dans le sillage du bateau ennemi à un demi-mille derrière lui. Il était fort probable que les deux navires aillent de conserve. On ne pouvait toutefois l’affirmer avec certitude.
Les pirates albanais et turcs s’associaient souvent pour passer à l’attaque.
Le premier navire ennemi progressait dangereusement vers le galion désormais à portée de ses arbalètes. Le capitaine Luca et son équipage devaient prendre de court l’ennemi avec son artillerie lourde. Les pirates ne disposaient ordinairement pas d’armes à feu efficaces, mais excellaient dans le maniement des flèches et des arbalètes. Pour s’assurer la victoire, le galion devait prendre l’offensive avant même que les pirates aient eu le temps de décocher une flèche.
Le capitaine haussa le ton :
— Canons parés à tirer ?
— Parés à tirer !
— Canons un et deux, Feu !
Les artilleurs allumèrent les mèches. La flamme mit un temps incroyablement long pour atteindre la culasse quand soudain une terrible détonation déchira l’air. Un gros nuage gris s’éleva dans le ciel comme un champignon avant de retomber sur le pont maintenant noyé dans une fumée opaque.
Le capitaine avait indiqué à Afra un coin du gaillard d’avant où elle put se mettre à l’abri tant bien que mal. Elle toussait et respirait difficilement, comme si l’explosion avait déchiré ses poumons.
Sitôt que la fumée se fut dissipée, elle constata que les deux tirs avaient manqué leur cible.
— Rechargez les canons ! ordonna le capitaine. Vous autres, prenez vos arquebuses et vos mousquets.
Les tireurs se ruèrent sur leurs armes en hurlant. Mais déjà les premiers projectiles ennemis pleuvaient sur le galion.
Le bateau pirate était maintenant si proche que l’on pouvait distinguer l’équipage adverse sur le pont.
— Feu ! Feu ! hurla le capitaine.
L’instant d’après, le combat faisait
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