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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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abondance, et les gens de Connaught venaient les
visiter. Mais Fraech était fort ennuyé de n’avoir toujours pas rencontré
Finnabair, car il avait entrepris ce voyage pour elle seule, et il s’étonnait
qu’Ailill et Maeve ne la lui eussent pas présentée.
    Or, un matin où il s’était levé dès les premiers rayons du
soleil et s’en était allé dans la cour se laver à la fontaine, Finnabair vint
dans le même but, en compagnie de sa servante. Aussitôt, Fraech lui prit les
mains. « Reste pour parler avec moi, lui dit-il, car je suis ici pour toi.
– Je le sais, répondit-elle, et je serais trop heureuse de demeurer en ta
compagnie, mais je ne le puis. Mon père et ma mère m’ont bien recommandé de ne
pas me montrer à toi. – Accepterais-tu de t’enfuir avec moi ? demanda
Fraech. – Je ne m’enfuirai certainement pas, dit Finnabair, car je suis fille
de roi et de reine. Ce n’est pas par mépris pour toi, sache-le bien, car ta
richesse et ta réputation te permettraient de m’obtenir de ma famille. Et c’est
avec toi que je préférerais aller, car je t’ai aimé dès que j’ai entendu parler
de toi. Prends cet anneau. Il sera un gage entre nous. Ma mère me l’a donné à
garder, et si on me demande pourquoi je ne le porte pas, je dirai que je l’ai
perdu. »
    Là-dessus, ils se séparèrent. Mais on avertit Ailill et
Maeve que leur fille avait eu un entretien avec Fraech. « Je crains fort,
dit le roi, que notre fille ne s’enfuie avec ce jeune homme. – On pourrait la
lui accorder en tout honneur, dit Maeve, à condition qu’il accepte de donner un
bon douaire et de nous accompagner s’il nous arrive d’entreprendre une
expédition guerrière. » Au même moment, Fraech entrait dans la maison.
« Votre conversation est-elle secrète ? demanda-t-il. – Si elle
l’était, tu ne pourrais y participer, répondit Ailill. Viens donc t’asseoir
avec nous, et dis-nous ce que tu désires. – Voici, dit Fraech. Voulez-vous me
donner votre fille ? »
    Ailill et Maeve se consultèrent du regard.
    « Nous te l’accorderons, reprit Ailill, pourvu que tu
acceptes de nous donner le douaire que je te réclamerai. – Que réclames-tu
donc ? – Trois vingtaines de chevaux gris foncé, avec des mors d’or et
d’argent, douze vaches laitières dont chacune donnera du lait pour cinquante
personnes et aura un veau blanc aux oreilles rouges. Je te demande également de
jurer que tu nous accompagneras dès que nous aurons besoin de ta présence dans
une expédition guerrière. Accepte nos conditions, et notre fille
t’appartiendra. – Par mon épée et par mes armes ! s’écria Fraech, je jure
que je ne donnerais jamais pareil douaire, fût-ce pour Maeve de
Cruachan ! » Alors, il les quitta, fort en colère, et sortit de la
maison.
    Ailill et Maeve reprirent leur conversation. « Cela va
mal pour nous, dit Ailill, car, maintenant, il est capable d’enlever notre
fille, ce qui nous vaudra honte et déshonneur parmi les rois et les nobles
d’Irlande. Mieux vaudrait, à mon sens, nous jeter sur lui et le tuer
sur-le-champ avant qu’il ne nous cause du tort. – Ce serait une mauvaise action,
dit Maeve, car il est notre hôte, et nous lui devons assistance et protection.
Il n’en résulterait que du déshonneur pour nous. – Je nous épargnerai le
déshonneur, reprit Ailill, par la manière dont j’agirai. »
    Là-dessus, tous deux sortirent de la forteresse et
regardèrent les chiens chasser. Vers le milieu de la journée, les chasseurs
s’en allèrent vers le lac pour s’y rafraîchir, et Ailill et Maeve les
suivirent. « On m’a raconté, dit Ailill à Fraech, que tu es un très habile
nageur. Plonge donc dans le lac, que nous puissions t’admirer. – Comment est ce
lac ? demanda Fraech. – Comme les autres, répondit Ailill. On ne lui
connaît aucun danger, et l’on s’y baigne fréquemment. »
    Fraech ôta ses vêtements et plongea dans les eaux, laissant
sa ceinture sur le rivage. Ailill s’approcha, se baissa, prit la ceinture,
ouvrit la bourse qu’elle contenait, y découvrit l’anneau de Finnabair et, le
reconnaissant aussitôt, le lança d’un geste brusque loin dans le lac.
    Cependant, Fraech, tout en nageant, n’avait rien perdu de la
scène. Il suivit l’anneau des yeux et vit un saumon bondir hors de l’eau et
l’avaler. Sans perdre un instant, il se précipita sur le poisson, le saisit par
les ouïes, l’emporta à terre et le déposa dans

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