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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ne voyaient jamais leurs champions accomplir
d’exploits. Et ils se demandaient comment se tirer à jamais de cette
angoissante situation. [53]
    Nuada, quant à lui, se désolait d’avoir perdu la royauté sur
l’Irlande par la faute de son bras manquant, et ce bien qu’un bras d’argent lui
eût été agrafé à l’épaule et s’y articulât avec une souplesse et une dextérité
véritablement prodigieuse. Il résidait à Tara, avec la plupart des chefs des
tribus de Dana. Et le portier qui surveillait l’entrée de la forteresse n’avait
qu’un œil.
    Un jour que le portier était sorti de la forteresse et qu’il
marchait dans la prairie, au pied des murailles, il aperçut deux jeunes gens
fort beaux et de noble stature. L’un était un homme, l’autre, une femme, qui,
s’approchant de lui, le saluèrent. Il répondit à leur salut et leur demanda ce qui
les amenait à la forteresse royale de Tara. « Nous sommes de bons
médecins, répondirent-ils, fils et fille de Diancecht. Le jeune homme se nomme
Oirmiach et la jeune fille Airmed. – Si vous êtes si bons médecins, dit le
portier, à vous de me le prouver. Vous voyez que je suis borgne ? Hé bien,
faites en sorte que j’aie un œil à la place de celui qui me fait défaut. –
C’est chose facile, dit le jeune homme. Je vais sur-le-champ mettre l’un des
yeux de ce chat à la place de l’œil qui te manque. – J’en serai bien content,
répondit le portier, et je vanterai alors tes mérites devant toutes les
assemblées de cette île. »
    De fait, le jeune homme, qui s’appelait Oirmiach, et la jeune
fille, qui s’appelait Airmed, mirent l’œil du chat à la place de celui qui
faisait défaut au portier. Mais le portier n’en fut qu’à demi satisfait par la
suite car lorsqu’il voulait dormir et se reposer, cet œil s’ouvrait au moindre
cri de souris, au moindre bruissement d’oiseau, ainsi qu’au moindre
frémissement de la brise dans les roseaux. Par contre, quand il lui fallait
observer une troupe de guerriers ou une assemblée de nobles autour du chaudron,
l’œil se fermait et lui donnait alors envie de dormir et de se reposer.
    Tout émerveillé, cependant, par l’art des deux jeunes gens,
il rentra dans le palais et s’en alla parler à Nuada au Bras d’Argent. Il
l’avisa que deux bons médecins se trouvaient à la porte et qu’ils venaient de
lui mettre un œil à la place de celui qui lui manquait. Et Nuada lui dit de les
faire entrer.
    Quand ils pénétrèrent dans la grande salle où se tenait
Nuada au Bras d’Argent, ils entendirent une sorte de soupir lamentable et
pitoyable. « Qu’est donc ceci ? dit Oirmiach. J’ai cru entendre le
soupir d’un guerrier qui souffre d’un mal incurable. – Certes, dit Airmed,
c’est un cri de douleur et de désespoir. Voyons si ce n’est pas le soupir d’un
guerrier dont un bousier ronge le bras sans qu’il puisse s’en rendre
compte. »
    Faisant s’étendre Nuada au Bras d’Argent sur une litière,
ils l’examinèrent avec soin. Airmed finit par lui retirer son bras d’argent, et
il en sortit un bousier qui se mit à courir par toute la forteresse. Les hommes
de la maison royale vinrent alors voir ce qui se passait et tuèrent la bête.
    « Ce bras d’argent était bien ajusté, dit Oirmiach,
mais il ne sied pas au roi Nuada. Si nous pouvions trouver un autre bras
d’égale longueur et d’égale grosseur, nous le remettrions à sa place. »
    Les nobles des tribus de Dana qui se trouvaient autour de
Nuada ordonnèrent aux serviteurs de chercher parmi eux quel bras irait le
mieux. Les serviteurs examinèrent les bras de tous ceux qui se trouvaient là et
demandèrent aux deux jeunes gens de donner leur avis. Mais, à chaque fois, Oirmiach
et Airmed déclaraient la chose impossible. Ils en vinrent de la sorte à Modhan,
le chef porcher des tribus de Dana. « Est-ce que ce bras vous
conviendra ? demandèrent les serviteurs aux deux médecins. – Il nous
paraît effectivement le plus convenable, répondirent-ils. Encore faudrait-il
que cet homme accepte de son plein gré de donner son bras pour le roi Nuada. –
Je le ferai volontiers, dit le porcher, pourvu que cela nous libère de
l’oppression des Fomoré et des injustices de Bress. » Alors, Oirmiach dit
à sa sœur : « Que préfères-tu ? Mettre le bras sur l’épaule du
roi ou aller chercher des herbes qui lui permettront de se conformer à la
nature de sa chair ? – Je préfère

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