Les dîners de Calpurnia
sentais déjà
le froid du cercle de roue sur ma chair ?"
" "César, ai-je répondu, la nature m'a donné une force que je rêvais de mettre un jour à ton service. Le hasard m'a placé sur ton chemin ce jour-là
et je suis heureux d'avoir aidé mon Empereur !"
" Aprés, Vespasien m'a fait remettre une grosse somme d'argent et m'a demandé à quoi j'utilisais ma force en dehors de le sauver d'une mort atroce. Je lui ai dit que j'étais employé à l'amphithé‚tre o˘ je m'occupais des bêtes. Il a réfléchi un instant et m'a dit que désormais je serais le maître de cette ville cachée sous le sable de l'aréne. "C'est un lieu o˘
l'administration ne met jamais les pieds, a-t-il ajouté. Au palais tout le monde a peur de cet antre o˘ rôde la mort, des gladiateurs qui attendent le combat et des fauves qui rugissent. L'endroit est dangereux et je veux qu'un homme de confiance en soit le maître. Tu ne dois de comptes qu'à moi.
Je régne sur l'Empire et toi sur les entrailles de l'amphithé‚tre Flavien ! Ce pouvoir, tu le conserveras aprés ma mort." "
- Cela n'explique pas l'impunité dont tu jouis ni l'inviolabilité de ton terrier géant. Il doit y avoir autre chose que tu ne veux pas me confier.
- Ne le répéte jamais : bien que cela n'ait jamais été écrit, l'Empereur veut pouvoir compter sur un abri s˚r et secret o˘ il puisse se réfugier en cas de danger et o˘ ma force pourra le protéger. Voilà pourquoi, en réalité, j'ai tous pouvoirs sur les hommes que j'ai engagés, sur les bêtes qui peuvent attaquer mais aussi défendre, sur les gladiateurs dont les réactions, on l'a vu jadis avec Spar-tacus, ne sont jamais s˚res. Mais qui a pour mission de protéger l'Empereur peut aussi protéger Calpurnia !
N'hésite jamais à m'appeler si tu cours un danger.
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- Merci, Colosseo. Encore une question : l'Empereur sait-il que tu es chrétien ?
- Vespasien ne l'a pas su. Titus, oui, et j'ignore si Hadrien l'apprendra, mais cela a peu d'importance. César se moque que je prie Jésus s'il sait que je le défendrai jusqu'à la mort ! Maintenant que je t'ai tout dit ou presque, retournons auprés de nos fréres célébrer le Seigneur, notre seul maître !
Trois jours aprés leur rendez-vous aux thermes, Rufa fit prévenir Petronius qu'elle viendrait dans l'aprés-midi au Vélabre. Le jeune sculpteur exulta, courut apprendre la bonne nouvelle à Calpurnia et commanda aux esclaves de nettoyer l'atelier.
L'aspect de celui-ci avait changé depuis la mort de Rabirius et la fin de son usage pour l'architecture. Les longues tables installées sur des tréteaux et sur lesquelles on posait les plans avaient cédé la place à de hauts guéridons ronds que Petronius avait fait construire pour supporter les modelages en glaise. Des établis r‚blés, en charpente de marine, soutenaient les marbres en cours ou les blocs de carrare prêts à être travaillés. Un peu partout des linges blancs humides cachaient des ébauches en terre fraîchement pétrie et donnaient à la vaste piéce construite par Sevurus et agrandie par Celer le côté fantastique qui distingue les ateliers de sculpteurs. Seuls demeuraient les coffres qui contenaient les archives et le grand tableau sur lequel les meilleurs architectes du siécle avaient dessiné les monuments de Rome. Pour qu'il ne reste pas vide, comme un reproche, Petronius y avait fixé le parchemin de la premiére représentation en perspective de l'amphithé‚tre, telle que l'avait imaginée Celer. On remarquait peu de différences avec le monument colossal déjà
devenu le préféré des Romains.
Calpurnia avait apprécié le geste de Petronius :
- C'est bien d'avoir pensé à établir un trait d'union entre les deux ateliers, entre les deux métiers, entre les
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deux générations. Il te faut maintenant honorer ce lieu chargé d'histoire.
- Le vrai trait d'union c'est toi, avait poursuivi Petro-nius. Je voudrais que ton buste soit exposé à l'entrée de l'atelier. Je me sens maintenant capable de le sculpter convenablement. Voudras-tu poser pour moi ?
- Comment pourrais-je refuser une chose qui me fait tellement plaisir ?
Pour l'heure, ce n'était pas le buste de Calpurnia qui captivait le jeune artiste. Il attendait Rufa et se demandait comment il attaquerait le marbre posé sur l'établi. Comme s'il allait d'emblée tailler dans la pierre ! "
Allons, se dit-il, c'est d'abord en terre glaise qu'il te faut pétrir le visage qui t'est cher. Avec tes
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