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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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passées, racontant à ses jeunes frères et sœurs les meilleurs moments qu’elle avait connus. Après quelques semaines, ils connaissaient déjà ses anecdotes préférées.
    Elle avait enfin reçu une lettre d’Ovila lui demandant si le neuf septembre lui conviendrait. Elle avait répondu que la date était parfaite et que pour aucune considération elle n’accepterait de la reporter. Ovila avait réécrit en lui demandant de courir au presbytère régler les détails de la journée. Caleb avait accompagné sa fille pour remplir les formalités. Le curé avait été d’une gentillesse extrême, malgré l’absence du fiancé.
    Émilie était allée dans le bois se chercher une belle branche sèche et droite. Utilisant un des couteaux de son père, elle l’avait dénudée des quelques lambeaux d’écorce qui s’accrochaient encore à la chair, puis avait fait une petite entaille.
    «Qu’est-ce que tu fais là, Émilie? lui avait demandé Caleb.
    —        Je compte les jours.
    —        Tu aimerais pas mieux faire des croix sur le calendrier?
    —        Non, parce que je sais qu’Ovila aussi compte les jours avec son p’tit bout de bois.»
    Elle avait trouvé cette façon de se tenir près d’Ovila. Toucher à son bout de bois tous les jours comme lui touchait probablement au sien. Caleb ne lui avait plus fait de commentaires mais un soir, il avait parlé de cette manie avec Célina.
    «C’est-y moi qui vieillis ou bien est-ce qu’à cet âge-là nous autres on était plus sérieux?
    —        Je dirais que c’est toi qui vieillis. Des fois, le monde fait des affaires pas importantes pantoute en y mettant bien du cœur. C’est sûr que toi, tu aurais jamais coché un p’tit bout de bois, mais moi, j’ai dessiné des fleurs sur le calendrier.
    —        Tu as fait ça, toi?»
    Ovila n’avait pu venir une seule fois voir Emilie. Au fond d’elle-même, elle n’avait pas cru qu’il tiendrait cette promesse. Mais il avait tenu celle d’écrire et elle lui en sut gré.
    Elle n’en pouvait plus d’attendre le neuf septembre mais fut quand même happée par un remous d’énervement lorsqu’il arriva enfin. Elle avait dit à Ovila qu’elle préférait ne le voir qu’à l’église. La messe devait être chantée à neuf heures. À huit heures et quart, Caleb avait discrètement demandé à un de ses fils d’aller voir à l’église si les Pronovost était arrivés de Saint-Tite. Son fils n’avait fait qu’un aller-retour et avait murmuré à l’oreille de Caleb qu’ils étaient tous là. Caleb soupira. La noce aurait lieu.
    «Émilie! Émilie, bonyenne, est-ce que tu vas faire attendre ton homme le matin de ses noces?
    —        J’arrive. Pas besoin de crier de même, pâpâ. Moman achève de mettre des fleurs dans mon chignon.
    —        Tu vas quand même pas te mettre des fleurs dans les ch’veux!
    —        Juste des p’tites. Vous allez voir, c’est pas mal joli.»
    Caleb haussa les épaules. Qu’est-ce qu’elle allait encore inventer. Des fleurs dans les cheveux!
    Émilie descendit l’escalier sur la pointe des pieds, demandant à ses sœurs de rester en haut. Elle voulait surprendre son père. Ses frères, assis à la table de la cuisine, comprirent son jeu et ne soufflèrent mot. Caleb était occupé, devant le miroir suspendu au-dessus de la pompe à eau, à recommencer pour la énième fois la raie dans ses cheveux. Il bougonnait, ne réussissant jamais à la faire droite. Ses sillons étaient plus rectilignes.
    «Maudite calamité! J’vas pourtant l’avoir.» Il prit un épi de cheveux rebelles avec ses doigts patauds, tenta de lui faire changer de direction. L’épi se redressa inexorablement. Il mouilla la mèche. Elle pointa encore plus désespérément.
    «Dans ce temps-là, il faut coller tout ça avec un p’tit peu de savon.»
    Émilie avait parlé avec tellement de calme et tellement d’ironie que Caleb n’avait pas pris conscience que c’était elle qui venait de trouver la solution à son problème. Il aperçut finalement son reflet dans le miroir. Il se tourna lentement. Pour la première fois, il venait de prendre conscience que sa fille était belle.
     «Si je savais pas que c’est toi, Emilie, je penserais que tu es une apparition de ma mère, quand elle était jeune.
    —        Il paraît que je lui ressemble, répondit-elle doucement.
    —        Tu es son portrait tout craché.»

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