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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’étage. Antoinette était excitée à l’idée de faire toute la route avec Henri, mais son bonheur était quand même nuageux. «Comment est-ce qu’une fille peut dire que jamais elle a été aussi heureuse que depuis le feu du couvent.
    —        Comme tu viens de le faire, Antoinette.»
    L’étreinte des deux amies fut de courte durée. Henri appelait Antoinette. Toutes les deux, elles refoulaient leurs larmes.
    «Dire que tout ça a commencé à cause de ma jalousie parce que tu étais plus belle pis plus grande que moi.
    —        J’ai toujours été jalouse de toi aussi.
    —        Toi! jalouse de moi?
    —        Oui. Les personnes qui ont un cœur aussi grand que le tien font toujours des envieux.
    —        Ho! Emilie, arrête, tu vas me faire brailler.»
    À ces mots, les deux amies éclatèrent en sanglots au grand désespoir d’Henri qui venait de les rejoindre.
    «Si j’étais peintre, je ferais une toile que j’intitulerais
    Les pleureuses.
    —        Cessez donc de blaguer, monsieur Henri», fit Émilie.
    —        Mais je ne blague pas du tout. Seulement, je ne suis pas peintre. Alors, je vous en prie, chessez vos larmes, comme diraient les enfants.»
    Ovila arriva. Il n’avait pas voulu rater le départ d’Antoinette. Il savait qu’il lui devait beaucoup. Son intuition lui disait aussi qu’Émilie ne devait pas être seule. Assistée d’Henri, Antoinette monta sur le siège.
    Henri mit la calèche en marche. Antoinette serra encore la main d’Émilie pendant quelques instants, puis elle la laissa tomber. Émilie resta dehors à regarder la poussière retomber dans le Bourdais. Ovila ne dit pas un mot, se contentant d’être à ses côtés.
    Émilie tournait en rond. Elle avait bouclé ses valises et ses multiples malles. Elle s’était levée avec le soleil, pour s’assurer que tout était en ordre. Elle avait mangé son dernier petit déjeuner, lavé sa tasse, son assiette, son couteau, sa fourchette et sa cuiller. Elle avait rangé le tout sur l’étagère, à l’envers, de façon à empêcher la poussière de s’accumuler. Elle avait enlevé sa literie, fait aérer son matelas, ouvert toutes grandes les fenêtres de la classe et de ses locaux. Elle respirait à grands poumons l’odeur des murs et des planchers. Ses odeurs. Six années d’odeurs, de rires, de pleurs. Six années de travail et de plaisir. D’ennui, aussi.
    Elle descendit au rez-de-chaussée tout ce qu’elle pouvait porter elle-même avant l’arrivée d’Ovila. Elle se dirigea ensuite vers son pupitre, s’assit et regarda la classe vide d’enfants, vide d’elle-même. Six ans d’enseignement. Six ans qui avaient filé dans sa vie. Six années qui ne reviendraient plus jamais. Elle quittait l’enseignement. Pour toujours. Elle n’avait pas été déçue. Bien sûr, la vie d’institutrice était souventes fois pénible. Mais c’est la vie qu’elle avait souhaitée. Maintenant, elle voulait d’une autre vie. Être avec Ovila, avoir des enfants et penser à l’avenir. Elle n’avait pensé à l’avenir qu’en de rares occasions. Pendant cinq ans, l’avenir avait toujours eu le même décor: une classe, des pupitres, des fenêtres difficiles à garder propres, des enfants qui changeaient mais qui avaient toujours les mêmes airs de famille. Cette année, elle avait accueilli la petite sœur de Charlotte. Cela avait été comme si elle avait revécu à nouveau l’arrivée de Charlotte elle-même. Sauf que la petite sœur de Charlotte n’avait pas eu besoin de se faire rappeler l’heure. Charlotte... Elle ne l’avait vue qu’en de rares occasions, Charlotte ne sortant presque plus de chez elle. Elle s’était déplacée pour aller la visiter. A son anniversaire, à Noël, à Pâques. Elle n’oublierait jamais Charlotte. Six annés à enseigner les mêmes choses, mais jamais vraiment de la même façon. Elle avait toujours adapté son enseignement aux enfants. Certaines années, les enfants étaient curieux, avides d’apprendre. D’autres années, ils étaient agités, distraits. Elle n’avait jamais eu un groupe d’enfants qui ressemblait au groupe précédent.
    Elle ouvrit une des boîtes qu’elle avait déjà bien ficelée. Cette boîte contenait ses souvenirs les plus précieux. Un dessin. Une fleur séchée. Un rameau bien tressé et sans odeur tant il était jauni et sec. La composition qu’Ovila avait faite sur le respect. Elle

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