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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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la maison, il poussa son grand cri d’impuissance et de surprise et s’affaissa sur la galerie de la maison, se déchirant la tête sur la rampe et les lèvres sur les planches non peintes du plancher. Ovila et Émilie le retournèrent rapidement et demandèrent aux gens de s’éloigner pour lui éviter, quand il reprendrait connaissance, de penser qu’il s’était encore une fois rendu ridicule. C’était son drame. Il s’était toujours senti ridicule au lieu d’accepter son mal.
    Emilie ne voulut pas quitter le lac à la Perchaude. Elle y était revenue avec Ovila le soir de la mort de Charlotte et le lendemain aussi. Elle savait que de la fenêtre de sa maison, elle pouvait voir l’école. Elle n’avait pas envie de la regarder avant que Charlotte ne fût enterrée. Ovila n’avait pas discuté. Ils avaient donc raccompagné Lazare puis étaient partis, seuls, pour le chalet. Emilie, le souper fini et la vaisselle lavée, passa de longues heures à regarder le lac et à en écouter les soupirs. Ovila parla peu, se contentant de la tenir par l’épaule et de lui essuyer les larmes avec ses gros pouces.
    Le lundi matin, ils bouclèrent leurs valises, nettoyèrent et fermèrent le petit chalet, portèrent toutes leurs choses dans leur maison, après quoi ils partirent pour l’église. Les funérailles furent tristes comme seules peuvent l’être les funérailles d’enfants. Ovila ne cessait de penser à la cérémonie des anges chantée pour la petite Marie-Anne. Émilie, elle, se jura qu’elle ne mettrait jamais un enfant au monde pour le voir mourir. Elle mourrait la première. Ce n’était pas dans l’ordre des choses qu’une mère enterrât son enfant. Un enfant, c’était la seule véritable garantie d’éternité.
     
    27.
    Ovila était ravi. Les religieuses lui avaient demandé de fabriquer une bonne partie des meubles pour les réfectoires du nouveau couvent, dont la construction achevait. Il s’était attelé à la tâche après avoir aménagé un atelier dans un des bâtiments. Il lui fallait livrer le tout pour le huit décembre, date prévue pour la bénédiction du couvent.
    Émilie consacrait presque tout son temps à tisser des catalognes et des couvertures. En secret, elle était allée voir le médecin qui lui avait confirmé qu’elle serait mère au mois de juin de l’année suivante. Quand Ovila devait s’absenter pour quelques heures, elle s’empressait de sortir sa laine et son crochet et elle agitait fébrilement ses doigts pour confectionner des petites couvertures, des petits bas et des petites capines. Elle n’avait pas encore voulu annoncer la nouvelle à Ovila qui, inconscient, n’avait pas remarqué qu’il n’y avait jamais eu de guenilles sur la corde à linge depuis leur mariage.
    Émilie avait posé des rideaux de dentelle crochetée, la plupart à motifs d’oiseaux et de fleurs. Elle avait placé les meubles à des endroits différents, simplement pour donner à la maison paternelle d’Ovila un air de nouveauté. Quand il ne devait pas s’absenter, il passait la journée à travailler à ses tables, ses chaises et ses dessertes. Il aurait pu se contenter de faire des choses simples, mais il trouvait le temps, le soir, d’entrer un meuble dans la maison et d’y sculpter des fleurs ou des petites pointes de diamants.
    «C’est beau ce que tu fais, Ovila. On dirait que les chaises sont plus légères, juste à cause des fleurs.
    —        C’est bien parce que ça me change les idées que je fais ça parce que les sœurs ont jamais demandé que ça soit aussi soigné.
    —        Faudrait pas que tu arrives en retard parce que tu fignoles.
    —        J’ai calculé mes affaires, pis j’ai organisé mon travail pour que ça aille vite. Je prépare tous mes barreaux, je taille tous mes morceaux pour les pattes, je fais tous mes trous pour les chevilles, je fais tous mes sièges. Après, je rassemble tout ça, en montant tous les meubles de front. Comme ça, je suis certain que toutes les chaises vont être de la même grosseur. Tout ceci, madame, me laisse le temps de sculpter, le soir, assis près de vous. Vous et moi, madame, nous le savons, c’est ce que j’aime le plus faire.»
    Emilie l’avait écouté en souriant, revoyant son grand élève qui construisait une crèche immense dans une petite classe.
    L’automne et l’arrivée des gelées étaient presque passés inaperçus tant le soleil continuait de réchauffer leur

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