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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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record. Emilie retrouva sa bonne humeur. Elle regardait les enfants, tous à quatre pattes, acharnés à gagner le «concours des morceaux de paille». En fait, même après que le balai eut été passé à trois reprises, des brindilles de paille demeuraient coincées entre les joints du plancher. Les enfants, armés d’épingles à chapeaux qu’Emilie était allée chercher dans sa «boîte à coquetterie», les délogeaient une à une, jubilant chaque fois qu’ils réussissaient, heureux comme s’ils venaient de pêcher une belle barbotte au printemps.
    «Mam’selle, ricana Rosée, vous trouvez pas qu’on fait le monde à l’envers?
    —        Qu’est-ce que tu veux dire par ça?
    —        Ben... nous autres on cherche du foin avec une épingle au lieu de chercher une épingle dans le foin... »
    Émilie éclata de rire. Elle adorait les mots d’esprit et celui-là lui plut. Elle en souriait encore quand le père Pronovost arriva à l’école. Prenant conscience de l’heure, Émilie se confondit en excuses dès qu’il eut franchi la porte.
    «On s’amusait tellement que j’ai complètement oublié que c’était l’heure du train.
    —        Il y a pas d’offense, ma belle mam’selle», les enfants rougirent de la familiarité de leur père, «mais c’est pas pour ça que je suis ici.»
    Sans attendre d’être invité à le faire, il se découvrit, déboutonna son manteau et s’assit à un des pupitres. Émilie lui offrit une tasse de thé qu’il refusa poliment.
    «Est-ce que vous pensez que votre père va réparer sa sleigh à temps pour venir vous chercher?
    —        Oh! oui! C’est pas une petite affaire de même qui va l’arrêter. Pour moi, il devrait être ici à l’heure du souper. On va être à la maison avant minuit, certain. Mais pourquoi est-ce que vous me demandez ça? C’est que moi pis ma femme on a pensé que vous pourriez venir chez nous en attendant.
    —        Je vous remercie, mais j’aime mieux rester ici.»
    Les enfants intervinrent aussitôt pour tenter de convaincre Emilie d’accepter l’offre de leur père. Elle demeura inflexible. Quand la discussion fut enfin terminée, Dosithée demanda aux siens de se préparer à partir. Ils obéirent, même si, secrètement, ils auraient préféré demeurer à l’école encore quelque temps. Émilie les accompagna jusqu’à la porte, les remercia de leur gentillesse, leur souhaita à tous un joyeux Noël et leur recommanda de bien se reposer avant d’entreprendre la seconde moitié de l’année. Ils la quittèrent. Elle monta, la larme à l’œil, se dirigea à la fenêtre d’où, malgré la noirceur, elle pouvait distinguer leurs silhouettes, ouvrit discrètement le rideau et les vit qui batifolaient dans la neige. Elle avait maintenant les joues inondées. Qu’est-ce qu’elle aurait donné pour folâtrer avec eux...
    Émilie comprit que depuis le mois de septembre elle avait revêtu des frocs d’adultes et sur son corps et sur son âme. Ces frocs lui pesaient lourd en ce moment. Sa jeunesse et son besoin d’insouciance lui frappaient à la porte du cœur. Mais, ici à Saint-Tite, son cœur ne pouvait ouvrir. Ici à Saint-Tite, elle se devait d’être sérieuse, grande, demoiselle. Elle s’essuya les yeux et le nez du revers de la main. Comme une enfant.
    Émilie ne put avaler une seule bouchée, trop préoccupée par l’arrivée imminente de son père. À sept heures, elle ne voyait toujours rien sur la route. À huit heures, elle décida de tromper son attente en lisant une page du dictionnaire. Elle tomba par hasard sur le mot désolation. Elle sanglota, inconsolable. À neuf heures, elle se résigna à ouvrir sa valise pour en sortir sa robe de nuit. Elle la renifla et grimaça, car elle avait négligé de la séparer du linge sale. Elle se refusa à l’enfiler et résolut de dormir en sous- vêtements. Elle se coucha non sans avoir préalablement enfoui trois mouchoirs sous son oreiller.
    Le vingt-trois décembre s’immisça dans la vie d’Emilie en chantant l’hiver par chacune des fenêtres de la classe et des combles. Elle ouvrit les yeux et, quoiqu’ils fussent encore brouillés de sommeil et de chagrin, elle vit que la journée serait poudreuse. Elle soupira, se leva et commença sa toilette, furieuse contre elle-même. Dans son envahissant trouble de la veille, elle avait négligé d’alimenter le poêle. Elle grelotta en se débarbouillant, s’empressa

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