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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ratoureux! »
    Veillette, enragé, rapailla sa marmaille et disparut en un éclair.
    Ovila prit une bouchée, accepta une collation puis quitta la maison de ses hôtes. Émilie l’accompagna. Ils marchèrent lentement, lui, tenant la bride du cheval, elle, se dandinant à ses côtés. Il lui promit qu’il l’attendrait à l’école, mais elle le pria de n’en rien faire. Elle le verrait lorsqu’elle ferait sa visite de politesse. Ils convinrent de ne parler à personne de leur relation, espérant que la rumeur mettrait quelque temps à franchir les quinze milles qui séparaient leurs villages respectifs. Ils se quittèrent le cœur bourrelé de contradictions. Émilie resta sur le bord de la route à le regarder tant qu’elle put le voir.
    Émilie et Berthe pleuraient à chaudes larmes. Elles se regardaient, se serraient l’une contre l’autre et éclataient en de nouveaux sanglots nés des profondeurs de leur enfance. Les parents de Berthe se tenaient à l’écart, respectant leur besoin d’intimité. Le curé, venu lui aussi à la gare assister au départ de Berthe, leur tenait compagnie. Émilie s’accrochait à Berthe. Elle lui répétait qu’elle avait compris sa vocation, mais qu’elle acceptait mal que Berthe lui ait caché que c’était le cloître qui l’intéressait. Émilie avait toujours imaginé Berthe dans l’enseignement. Elle avait toujours tenu pour acquis que la vocation de Berthe serait une espèce de prolongement de ce qu’elle quittait. Elle s’en voulait de ne pas avoir demandé à son amie le nom de la communauté qu’elle avait l’intention de joindre. Berthe, carmélite! Berthe, voilée! Berthe qu’elle ne pourrait plus jamais voir. Berthe qui, aujourd’hui, se désincarnait.
    Berthe tentait vainement de la consoler. La rupture lui apparut plus que cruelle. Ses parents, elle le savait, étaient fiers d’elle mais elle savait aussi qu’ils la regardaient partir avec rien d’autre que du renoncement. Elle aurait dû consacrer deux journées entières à ses adieux, mais la peur des émotions qu’ils engendraient l’avait fait repousser ce moment jusqu’à la dernière minute.
    Un long sifflement, suivi d’un tintement de cloche les lit tous sursauter. Emilie s’enfouit le visage dans le creux de l’épaule de Berthe. Berthe l’étreignit une dernière fois puis la repoussa pour s’élancer dans les bras des siens. Les larmes longuement contenues étaient maintenant toutes au rendez-vous. Même le curé en écrasa une qui venait de s’échapper de son œil gauche. Toute la famille de Berthe s’agenouilla et il les bénit. Emilie resta debout mais se signa. Berthe monta sur la première marche d’un des wagons, tenant une seule petite valise. Emilie se rapprocha, lui souffla un baiser, tourna le dos et s’éloigna avant que le train ne se mette en branle. Elle l’entendit siffler à deux reprises. Elle entendit aussi la locomotive cracher sa vapeur. Elle entendit le crissement des roues sur les rails clairsemés d’herbe. Puis les sons s’éloignèrent. Elle devina l’effort des roues motrices. Elle devina aussi à quelle distance le train devait être rendu. Elle courut jusqu’à la voiture que son père lui avait prêtée, y grimpa résolument et conduisit à l’aveuglette jusqu’à l’endroit de la rive où elle et Berthe avaient passé tant d’heures de leur enfance et de leur adolescence. Son irremplaçable Berthe. Elle l’avait certes un peu négligée depuis qu’elle habitait Saint-Tite, mais Berthe n’avait jamais douté de son amitié.
    Emilie se coucha sur le tronc pourri, regardant le ciel que les nuages avaient épargné pour la journée. Elle prit conscience qu’elle ne connaissait de Berthe que ce que Berthe lui avait permis de connaître. Berthe, carmélite! Emilie sanglota à nouveau. Berthe à plat ventre devant toute la communauté si elle faisait quelque chose de répréhensible. Berthe qui avait choisi de ne pas avoir d’amoureux mais qui avait offert toute sa complicité aux amours récentes d’Emilie. Berthe, carmélite! Incapable de sortir de ses quatre murs. Incapable même de visiter Montréal qu’elle allait habiter. Une sœur cachée. Une femme qui ne séduirait plus avec son sourire à fossettes. Une ourse qui a décidé d’hiberner pour le restant de ses jours.
    Emilie eut mal à son âme d’enfance pendant trois longues heures. Elle reprit finalement la direction de sa maison. Caleb et Célina devinèrent son

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