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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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chagrin. Émilie se priva de souper et s’isola. Son besoin fut respecté. Elle bourra énergiquement ses valises, y mettant d’abord la courtepointe qu’elles n’avaient terminée que deux jours plus tôt. Elle s’y fourra le nez et chercha une goutte de sang que Berthe avait laissée en se piquant au pouce. Elle ne la trouva pas. La rentrée scolaire s’était faite sans heurts. Emilie avait retrouvé sa petite école et se l’était enfilée sur l’âme comme elle enfilait une robe confortable. Elle avait essayé de reporter au lendemain de son retour sa classique visite chez les Pronovost mais elle en avait été incapable, l’impatience lui rongeant les os jusqu’à la moelle. Ovila et elle avaient joué de discrétion. Elle s’était même étonnée de la facilité avec laquelle ils avaient tous les deux mis en veilleuse le langage de leurs yeux. Félicité était gonflée par sa maternité au-delà de toute attente. Jamais elle n’avait porté un enfant si lourd et si encombrant. Elle accusait son âge de rendre la chose si difficile.
    Émilie, comme à chaque année, avait accueilli ses nouveaux élèves avec empressement, convaincue que la première journée d’école était déterminante. Charlotte était revenue. Émilie lui trouva les traits tirés.
    Le mois de septembre venait à peine de prendre son élan. Les élèves avaient quitté l’école un peu plus tôt, permission accordée en raison du temps magnifique. Émilie s’affairait à corriger les travaux rédigés en classe quand Ovila arriva, à bout de souffle. Il entra dans l’école en coup de vent, fit des yeux le tour de la classe pour s’assurer qu’Émilie était seule. Il s’avança alors vers elle sans dire un mot, lui prit la main et l’obligea à monter dans sa chambre. Émilie fronça les sourcils. Elle n’aimait pas cela. Si une personne, une seule personne, choisissait ce moment pour venir la visiter, elle en serait quitte pour refaire ses valises. Prenant les devants, elle monta à la hâte, se retourna uniquement quand elle fut rendue en haut, prête à faire des reproches à Ovila quand elle remarqua son visage défait.
    «Qu’est-ce qui se passe?» parvint-elle à chuchoter devant le chagrin évident d’Ovila.
    «C’est ma mère, Émilie. Mon père a demandé à Edmond d’aller chercher le docteur parce que la sage-femme vient pas à bout de sortir le bébé. Ma mère est tellement faible qu’on a peur que le cœur flanche. » Il n’en dit pas davantage, craignant de noyer ses paroles.
    Émilie figea puis, se ressaisissant, se dirigea vers chacune des fenêtres afin de s’assurer qu’il n’y avait personne en vue. Elle revint vers Ovila, l’invita à s’asseoir sur le lit, lui prit doucement la tête qu’elle déposa sur sa poitrine.
    Ovila ne resta à l’école que le temps d’étouffer une peine qui lui pesait au cœur. Émilie avait réussi à le calmer, le rassurant comme elle le put. Sa mère donnait naissance à son treizième enfant. Son corps y était habitué. Il ne devait pas s’inquiéter. Ovila s’en retourna le cœur allégé. Émilie, il le comprit, lui faisait le même effet que la potion que le médecin donnait à son frère Ovide pour calmer ses accès de toux. Émilie, elle, calmait ses accès de peur et de chagrin. Dosithée avait appris la grossesse de sa femme pendant qu’il était au lac Pierre-Paul. Il s’était promis de lui faire la surprise de mettre en chantier une maison plus grande. L’annonce de l’arrivée inopinée de ce nouvel enfant et la maladie d’Ovide qui s’était déclarée moins de deux mois plus tard l’avaient raffermi dans cette décision. Lorsqu’il était rentré du chantier et qu’il avait vu ses filles contraintes de dormir dans le salon, il s’était empressé, à l’insu de sa femme, d’aller discuter avec le père Mercure de l’achat d’une partie de sa terre. Le père Mercure avait durement négocié cette vente, sachant qu’il vendait afin de pouvoir vivre ses vieux jours au village, chez une de ses filles. Sa femme ne lui ayant pas donné de fils, il s’était retrouvé seul à la mort de cette dernière. Il avait déjà vendu quelques arpents à Dosithée, mais il avait nourri l’espoir, bien utopique, que ses petits-fils vieilliraient plus rapidement que lui-même. Il avait atteint l’âge où un homme cédait ses biens à ses héritiers alors que l’aîné de ses petits-fils n’avait que dix ans. Résigné, il avait

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