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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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j’vas aller faire un p’tit somme, pis je pense que tu devrais faire pareil. »
    La journée de Noël s’était passée sans encombres. Emilie avait choisi de ne pas parler à Douville. Ne sachant plus très bien où situer ses sentiments, elle avait décidé de ne rien brusquer. Il avait quitté Saint-Stanislas le soir de Noël en promettant d’être présent la veille du Jour de l’An. Pour rien au monde, avait-il dit, il n’aurait voulu être éloigné de sa fiancée pour regarder tourner le siècle.
    Caleb et Émilie n’avaient plus parlé de son mariage. Il était certain qu’Émilie reviendrait sur sa décision. Émilie, elle, n’en savait toujours rien.
    Henri était arrivé, encore une fois, quatre heures avant la messe de minuit. Il avait l’air troublé. Il demanda à Émilie s’il était possible qu’ils aillent marcher dehors, même si le temps était extrêmement froid. Émilie n’avait pas posé de questions et avait enfilé son manteau, prenant bien soin de porter sa toque et son manchon. Douville était trop silencieux pour que son silence annonçât quoi que ce soit qui vaille.
    «Émilie, parvint-il enfin à dire, j’ai beaucoup songé à toi et à nous depuis une semaine. Je t’ai écrit au moins dix lettres que j’ai toutes détruites. Vois-tu, Émilie, je me suis demandé si le peu d’empressement que nous mettions à sceller notre union n’indiquait pas que nous n’étions pas prêts. Tu...tu es vraiment tout ce dont j’ai rêvé, d’aussi loin que je me souvienne. Mais j’ai mes... appelons-les mes craintes. Je suis un vieux garçon et je ne sais rien aux femmes. Tu es tellement jeune, tellement enthousiaste à propos de tout et de rien, que je me demande si, à côté de toi, je ferais bonne figure. Je te prie de me croire, Emilie, quand je te dis que je souffre beaucoup. Je t’ai fait tant de promesses que je crains ne pouvoir tenir.»
    Il se tut, essayant d’éviter le regard d’Emilie. Elle se retourna et le dévisagea. Si elle s’était écoutée, elle se serait roulée par terre tant elle avait envie de rire. Mais Henri, lui, ne semblait pas partager cette humeur. Elle se contint donc, pour lui dire qu’il la voyait défaite et déçue — qu’est-ce qu’elle était menteuse — qu’elle voyait s’éteindre un beau rêve — il ne faudrait quand même pas exagérer — que si la vie voulait qu’ils s’unissent, la vie verrait à ce que cela se fasse — non! — qu’elle avait passé de merveilleux moments en sa compagnie — surtout le moment présent
    —        que ce qu’elle souhaitait le plus ardemment c’était son bonheur à lui — loin d’elle — et que finalement rien ne les empêcherait de demeurer amis.
    Henri lui baisa la joue après lui avoir dit, ému, qu’il savait qu’elle comprendrait. Il la pria cependant de ne rien dire à ses parents. Il préférait leur annoncer la «mauvaie nouvelle» lui-même, comme un homme. Emilie lui demanda de n’en rien faire. Elle voulait être sa propre messagère.
    À la messe de minuit, Émilie et Henri s’étaient assis côte à côte. A minuit juste, ils s’étaient regardés. Émilie lui avait souhaité beaucoup de bonheur pendant ce nouveau siècle. Henri avait chuchoté, en retour, qu’il leur en souhaitait à tous deux. Il lui fit un clin d’œil et elle lui sourit. Cet Henri Douville était quand même un homme bien et elle était certaine que si elle devait revenir sur sa décision, il reverrait sûrement la sienne.
    Malgré cette certitude, Émilie ressentit quand même un pincement. La solitude commençait à lui peser. Demeurerait-elle une éternelle institutrice?
     
    22 .
    L’hiver, distraction ultime, avait presque oublié d’expédier de la neige. Aussi s’était-elle évaporée au soleil comme une flaque d’eau sans importance. Avril avait montré des rayons brûlants pour raviver les cœurs et annoncer la fin du carême. Dosithée, qui détestait cette période de pénitence, fulminait en ce Vendredi Saint. Il avait terminé son contrat annuel au lac Pierre-Paul depuis une semaine et Félicité l’avait obligé à jeûner et à faire pénitence, ne fût- ce que pour se faire pardonner les gourmandises qu’il s’était certainement permises au chantier.
    «Tu t’imagines quand même pas que quand on a des grosses journées à faire dans le bois, on se demande si le Bon Dieu regarde ce qu’on mange. Il nous a dit de travailler à la sueur de notre front, mais II

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