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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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dire, monsieur ? Ce
masque d’argent est comme un visage lisse, effrayant en sa pureté même et parce
qu’il semble ne ressentir jamais aucun sentiment, ni émotion.
    — Combien de fois avez-vous participé à
ces horreurs ?
    — Deux fois. La première, je ne savais
point qu’il s’agissait de femme sans tête et écorchée, croyant à une orgie de
plus. Sur place, je devinai que m’opposer à pareille cérémonie entraînerait ma
mort sans rien changer au sort de la victime, aussi ai-je affecté de n’y être
point sensible.
    — Et la seconde fois ?
    — Je m’étais cachée en un logis de la rue
Saint-Leu mais ils me retrouvèrent, ce qui prouve leur puissance. La seconde
fois, c’est deux corps décapités et écorchés que je dus couvrir de soufre. Monsieur,
je ne rêve que de fuir hors de France et c’est la raison pour laquelle j’ai
tant besoin d’or. Comprenez : l’Écorcheur m’a dit « Je vous foutrai, madame ! »,
mais s’il me baise, il m’écorchera car ainsi est la pente de sa nature.
    — Nous vous protégerons. Où se
déroulaient ces séances ?
    — En une maison écartée du petit village
d’Auteuil, à sa sortie par l’ouest.
    — Pourriez-vous la retrouver ?
    — Sans aucun doute, mais il me tuera.
    — Ne soyez pas insultante, vous voilà
protégée par un général de police, charge qui n’exista jamais en le royaume et
qui fut créée pour moi.
    — Monsieur, je le vois en vos yeux :
quand vous aurez flairé la piste, vous m’abandonnerez car ne l’aurais-je point
voulu ainsi, et tel est le cas, je suis bien méprisable.
    — Qui dit cela, madame ?… Et d’où
vous vient la prétention de lire en mon regard ce que personne, du dernier des
gueux au monarque du royaume des lys, ne parvint jamais à réussir ?
    La comtesse lui sourit de façon tout à fait
charmante, et en vérité irrésistible.
    — Pas même votre maman ?
    Il rendit le sourire :
    — Peut-être en effet ma pauvre maman
fut-elle la seule mais pour l’avoir deviné, vous confirmez que vous avez
commerce avec le diable et je m’en vais vous faire brûler !
    — À petit feu, monsieur le bourreau, j’ai
tant envie de vivre encore un peu…
    Ils faillirent se jeter en les bras l’un de l’autre
par un élan spontané et qu’on dirait d’évidence, pour peu que l’on crût aux
grandes passions quand le cœur est naïf, franc et sans vilaine fourberie. Elle
était pour le général mille fois femme, avec tout ce que ce mot comporte de
trouble divin lorsqu’il est soutenu par l’enthousiasme de l’âme. Il était pour
elle l’homme nerveux mais tranquille, fragile mais fort qu’elle avait toujours
vainement cherché.
    Ils brimèrent leur nature, baissant chacun le
regard, puis Galand reprit :
    — Voyez-vous autre chose à me dire ?
    — Certainement ! Outre le carrosse
et les deux officiers qui le gardent, un parti d’une vingtaine de mousquetaires
attendent à distance. Je crois qu’ils ignorent l’activité de l’Écorcheur, car
ils sont chaque fois différents, mais qu’importe : sa personne est si
fortement gardée qu’il n’est point attaquable.
    — Est-ce bien tout, cette fois ?
    La belle baronne de Montjouvent baissa la tête.
    — Est-ce tout ? répéta Jérôme de
Galand en montant le ton.
    Madame de Montjouvent redressa la tête, ses
beaux yeux voilés de larmes, et répliqua :
    — Autre chose qui ne vous regarde point !
    Avec une fulgurance en son cœur, le général de
police comprit que rien de ce qui touchait madame de Montjouvent ne pouvait
dorénavant lui être étranger, aussi s’abrita-t-il derrière sa fonction pour
déclarer :
    — Je dois tout savoir !… Tout, m’entendez-vous ?…
    La réponse lui parvint à travers des sanglots
mal réprimés qui le bouleversèrent :
    — Il m’a fait violer par ses deux
officiers et prit grand plaisir à observer la scène.
    Galand fut désemparé.
    — Ses officiers… Mais point lui, ni son
cocher, ni le vérolé ?
    — Vous ne comprenez point, monsieur !…
Ses gardes m’ont violée comme on ne traite point une putain, par sodomie et d’autres
choses encore !… Je hais cet homme !…
    Anéanti par la détresse de madame de
Montjouvent, Jérôme de Galand se pencha et prit la main de la baronne en la
sienne.
    Et ce fut chose la plus agréable qui lui fût
advenue depuis très longtemps…

70
    L’Écorcheur ne portait point son masque d’argent
et faisait face au

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