Les grandes dames de la Renaissance
me d’Étampes ; car, si Charles Quint entrait avec autant de facilité en Champagne, c’était simplement parce que le dauphin, chargé de défendre cette région, était victime de trahisons quotidiennes.
L’empereur recevait, de la favorite, des rapports détaillés qui lui permettaient d’avancer à coup sûr.
Instruit de tout ce qui se passait au Conseil du roi, il prenait de préférence les villes où se trouvaient des provisions abondantes et des stocks d’armes. La duchesse allait même jusqu’à empêcher la destruction des ponts qui étaient nécessaires à l’avance des armées impériales…
Voici d’ailleurs ce qu’écrit à ce sujet L. Prudhomme :
« Fidèle à ses engagements avec l’empereur, la duchesse trahissoit tous les projets de la Cour de France, elle avoit même communiqué à ce prince les chiffres des généraux et des ministres, et en un mot, elle fut une des principales causes des désastres de la guerre. Elle avoit un agent qui la servoit à la Cour de Charles Quint, c’étoit le comte de Bossie ; et il est prouvé que cet homme, qu’on croit avoir obtenu d’elle des faveurs très particulières, vendit plus d’une fois la France à sa majesté impériale, entre autres, lors de la prise d’Épernay. Il est certain que Charles fut parfaitement instruit du moment où il falloit attaquer cette ville remplie de provisions pour les subsistances de l’armée. Cette perte, funeste pour l’État, fut suivie de la perte de Château-Thierry, également pourvue de farine et de blé, et livrée par la même trahison. Les troupes impériales vinrent faire des courses jusqu’à Meaux. Paris en fut si épouvanté que les habitants ne pensèrent qu’à se sauver, comme s’ils n’eussent eu ni emplois, ni dignité, ni biens, ni maisons, ni roi, ni patrie.
« On admira beaucoup la générosité du souverain, qui, tout malade qu’il étoit, se fit transporter à Paris pour y remettre la paix. Cet acte de vertu étoit vraiment héroïque : mais il auroit fallu commencer par ne pas laisser continuellement à des femmes le maniement des affaires [142] … »
Charles Quint fut bientôt à Meaux. Il allait bondir sur le dauphin et l’anéantir lorsqu’un différend s’éleva dans son armée entre les Espagnols et les Allemands. Henri pensa, avec raison, qu’il fallait profiter de cette occasion pour repousser l’empereur. Heureux à la pensée qu’il pourrait, un jour, se flatter du titre de libérateur du territoire, il s’apprêta à attaquer. Mais M me d’Étampes vit le danger : si l’amant de Diane était victorieux, tous ses espoirs s’écroulaient.
Mieux valait arrêter la guerre.
Elle fit alors valoir au roi qu’il n’était pas prudent d’exposer sa couronne au sort d’un combat, et qu’il convenait de faire la paix.
Une fois encore, François I er se rangea à l’avis de sa favorite et, le 18 septembre, signa le désastreux traité de Crépy-en-Valois par lequel l’empereur gagna plus de vingt places et qui ne donna au roi que l’espérance incertaine d’un mariage avantageux pour le duc d’Orléans…
C’était suffisant pour que M me d’Étampes fût satisfaite. Aussi, lorsque Charles Quint annonça qu’il retournait dans ses États, décida-t-elle de lui organiser une espèce de conduite triomphale.
Idée effarante, puisqu’il venait de nous prendre d’importants territoires, mais que la Cour accepta sans murmurer, tout heureuse de faire un petit voyage.
Le 25 septembre, Éléonore, le duc d’Orléans, quatre-vingts personnes de la suite ordinaire du roi et M me d’Étampes, qui partageait la litière de la reine, partirent avec l’empereur.
À Bruxelles, où l’on se sépara, eut lieu une scène amusante qui nous est rapportée par un témoin, Annibal Garo, dans une lettre adressée au duc de Parme : « La cérémonie du baise-main de ces dames fut vraiment curieuse : on vit arriver au galop le duc Ottavio. Il descendit de cheval, et Sa Majesté Impériale, par une faveur très remarquée, lui commanda de s’approcher de la litière de la reine… Le duc baisa la main de la reine et, comme il remontait à cheval, l’Empereur le rappela en lui disant : « Venez encore baiser la main de M me d’Étampes », qui occupait l’autre côté de la litière. Et le duc, en bon Français, dépassant son ordre, lui baisa la bouche… » Après quoi, on se sépara en se faisant de grands serments
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