Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
Foucaud, et même Compère lunettes auquel ne servait à rien, pour le moment, d’avoir en mai 93 favorisé l’évasion de Louis Naurissane et de treize autres suspects. Mais la détention dans les chambres de la Visitation, avec promenade et réunion dans la cour, sous les tilleuls, n’était pas plus pénible qu’elle ne l’avait été pour les aristocrates. Et les prisonniers ne redoutaient point à présent de se voir, comme la malheureuse Léonarde, menés à Paris devant le Tribunal révolutionnaire.
    Quoique les anciens terrorisés bornassent là leur vengeance, et à remplacer dans les administrations les ex-membres du club local des Jacobins, Claude ne voulait pas leur fournir l’occasion d’exécuter peut-être le décret rendu contre lui, suspendu mais non rapporté, et n’entendait nullement aller attendre en compagnie de l’homme aux lunettes une amnistie prévisible. M. Mounier, privé de la mairie (on lui laissait toutefois la direction de la Monnaie), écrivait à son fils : « Il ne saurait encore être question de proposer ici ton nom aux électeurs ; mais, sans doute, sera-t-il favorablement accueilli dans la capitale, où l’on connaît plus exactement ta conduite…»
    En fait, il n’y aurait probablement besoin de le proposer nulle part, pensait Claude. Louvet lui avait dit qu’une partie des deux tiers serait nécessairement nommée par les conventionnels réélus, parce que les assemblées départementales, prévoyait-on, n’enverraient pas au Corps législatif assez d’anciens représentants pour former ces deux tiers. « Tu ne manqueras pas d’être désigné ainsi. Tous les modérés voteront pour toi et Robert Lindet, sois-en sûr. » Les Onze préparaient un décret instituant ce mode d’élection complémentaire.
    Louvet, faut-il croire, n’avait pas assisté, le 5 Fructidor, au vote de la loi sur l’organisation du Corps législatif. Lorsqu’elle parut au Moniteur, on put y lire ceci, à l’article 2 : « Tous les membres actuellement en activité dans la Convention sont rééligibles…», et à l’article 3 : « Ne sont point compris parmi les députés en activité ceux qui sont décrétés d’accusation ou d’arrestation. » Ces deux phrases frappèrent Claude comme les décharges d’un fusil double. Il eut un mouvement convulsif et poussa une exclamation. Lise, en train de bâtir une robe pour le petit Antoine, leva les yeux. « Qu’y a-t-il ? » s’écria-t-elle, voyant son mari tout pâle. On venait de déjeuner sous la tonnelle, et ils restaient là tous les deux. Il lui tendit le journal sans répondre. Non, ce n’était pas possible : les hommes de la vieille gauche, les Legendre, les Baudin, les Goupilleau, les Bonnet, les Souhait, les Lanthenas, les Brival, les Bordas, les Gay-Vernon, Tallien retourné sur la Montagne, les modérés comme Louvet, Sieyès, Cambacérès, indignés par le décret d’accusation porté contre lui-même, contre Lindet et Jean Bon Saint-André, ne pouvaient pas vouloir aggraver cette injustice en les déclarant inéligibles au Corps Législatif !
    « C’est une indignité ! Oh ! mon pauvre Claude ! fit Lise, nouant ses bras nus au cou de son mari.
    — Cela ne paraît pas possible, dit-il au bout d’un moment. Et pourtant j’aurais dû le prévoir. Lesage le laissait clairement présager. Les brigands, tu t’en souviens ? On ne veut plus des brigands qui ont sauvé la France.
    — Non, ne crois pas une chose pareille. Vous êtes victimes d’une manœuvre ; votre revanche viendra.
    — Mon cher trésor ! dit-il en lui baisant les lèvres. Eh bien, ta sœur avait raison : désormais je m’occuperai de mes affaires. Mais auparavant j’ai quelque chose à leur dire, aux auteurs de cette loi. »
    Dans la grande allée, Naurissane s’avançait avec Thérèse qui l’accompagnait à son cabriolet. « Louis, lui cria Claude, voulez-vous m’attendre une minute. Je vais avec vous.
    — Que veux-tu faire ? questionna Lise. Ne t’emporte pas, surtout !
    — Sois tranquille, mon poulet. Je suis un homme de sang-froid, tu le sais bien. »
    En voiture, Naurissane, mis au courant, lui dit que la banque dont il envisageait la création ouvrirait bientôt. « Vous y aurez votre place si cela vous convient. J’y songe depuis longtemps, ajouta-t-il, car, sans vouloir vous enlever vos illusions, Claude, je n’ai jamais cru que la droite vous laisserait entrer au Corps législatif.
    — Merci,

Weitere Kostenlose Bücher