Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
la publier d’une façon régulière. Veux-tu le faire à ma place ? Tu en assurerais la rédaction, moi l’impression, la distribution, et je te laisserais les trois quarts des bénéfices. J’ai tout calculé soigneusement. Une fois l’imprimeur payé, avec le quart du revenant bon mes frais seront couverts. Quant à toi, pour ta part tu auras bien plus que l’indemnité d’un député.
    — Ma foi, mon cher Jean-Baptiste, ta proposition me paraît fort avantageuse. Je t’en suis infiniment obligé. Mais, dis-tu, tes frais seront couverts. Cela ne saurait suffire.
    — Si, mon ami. En relançant ce journal, je ne visais point un but lucratif. C’est simplement un moyen de défendre la république. Je n’ai pas assez de temps pour la bien servir avec cette feuille, ni de faire rapporter de l’argent à celle-ci. Toi, tu pourras l’un et l’autre. Au demeurant, voici des notes et des chiffres que j’ai jetés rapidement sur le papier. Emporte le tout, étudie-le ; tu verras les améliorations auxquelles je pense, et le rapport escompté d’après mon expérience. Reviens me trouver ; si nous sommes d’accord, je rédigerai un contrat d’association. »
    Claude s’en fut chez lui, rue Nicaise, pour compulser tranquillement ces papiers. Dans l’ensemble, les notes de Louvet se résumaient ainsi : 1 o  assumer une parution à jour fixe, en principe le quartidi, de sorte que si, dans quelque temps, il devenait possible de proposer au public deux numéros par décade, La Sentinelle fût mise en vente le quartidi et le nonidi ; 2 o  elle paraissait actuellement sur une feuille simple, mais un rédacteur occupé de ce seul soin n’aurait nulle peine à fournir trois pages et à remplir la quatrième avec des extraits choisis dans la correspondance des lecteurs « très abondante, très intéressante » ; on obtiendrait ainsi deux feuilles et l’on doublerait par conséquent le prix, qui serait alors celui des gazettes quotidiennes à quatre pages. Les chiffres indiquaient au total : vente au numéro et abonnements = 12 000 exemplaires. La nouvelle formule les porterait rapidement à 24 000, estimait Louvet en citant les tirages des journaux similaires. Suivait une liste de confrères : la Gazette française, le Journal des patriotes de 89, etc., qui certainement annonceraient par avance, de la façon la plus favorable, ces transformations. Les en aviser à temps…
    Le tout semblait fort sensé. Claude se sentait très disposé à tenter l’aventure, et même assez impatient de s’y engager. Puisque le rôle de législateur lui était interdit, aucune autre activité ne lui convenait mieux que celle de gazetier. Au début de sa carrière et par moments, plus tard, écrire dans les journaux avait été un corollaire de son action politique. Mais cela pouvait devenir pour lui une action essentielle, plus efficace, dans la lutte contre l’Ancien Régime et pour l’éducation des républicains, que le faible pouvoir concédé à un membre des Cinq-Cents.
    Aussi, après être allé au Pont-Neuf embrasser Gabrielle et Claudine, prendre des nouvelles de Dubon, de Bernard, il repassa au 24 de la Galerie-Neuve. Louvet n’était pas rentré des Tuileries, mais sa femme siégeait à la caisse tandis que Brigitte, aidée par un petit commis, s’occupait de la clientèle. Germaine connaissait la proposition faite à Claude et se chargea, « avec la plus grande satisfaction », d’inviter Jean-Baptiste à rédiger le contrat.
    En se dirigeant vers la Bourse pour y retrouver son beau-frère Naurissane et retourner avec lui à Neuilly, en haut de l’étroite rue des Bons-Enfants Claude avisa une femme en noir qui s’avançait parmi les passants. Charlotte Robespierre ! Elle l’évita en paraissant ne le point apercevoir. Fuyait-elle un ancien ami de Maximilien, dressé soudain contre lui ? Mais elle-même avait renié ses frères après le 9Thermidor et obtenu, en germinal dernier, une attestation très favorable du Comité de Sûreté générale, selon Marie-Joseph Chénier. Craignait-elle un homme au courant, comme Billaud-Varenne, de certaines amitiés singulières qu’elle entretenait, au printemps de l’an II, avec Courtois, Guffroy, ennemis acharnés de Maximilien, résolus l’un à venger Danton, l’autre Hébert ? Un homme capable de comprendre pourquoi des Rovère, des Auguis, des Delecloy avaient signé avec empressement cette attestation de civisme. Bah ! qu’importe !

Weitere Kostenlose Bücher