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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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souciaient de gouvernement. Mais l’autre Germaine, oui, pour sûr. En vérité, le fond de cette lutte, à tout prendre sordide, bien digne des « hommes perdus » et des ci-devant « frelons de Versailles », ce n’est pas un affrontement d’idéals, comme en 89, en 91, en 93-94 ; c’est une querelle de chiffonniers pour le pouvoir que les uns ne veulent pas lâcher et auquel les autres veulent parvenir. Voilà où est tombée la Révolution ! Voilà pour quoi nous avons envoyé à la guillotine tant de gens que l’on radierait aujourd’hui de la liste des émigrés ! Saint-Just disait vrai : on ne reconstruit pas sans avoir d’abord tout anéanti. Mais tout anéantir dépasse les possibilités matérielles et la force morale de l’homme.
    Quittant ces songeries, Claude revint à ce qu’il pensait en écoutant les débats de Grenelle : laisser les ultra-royalistes poursuivre leurs menées, pour les conduire à leur perte définitive.
    Définitive ? Hum ! Il commençait à devenir moins crédule, depuis le temps – juillet 89 – où il s’imaginait qu’un combat suffit à détruire une espèce. Néanmoins il rédigea rapidement une note pour Louvet.
    « À communiquer aux Comités de S. P. et de S. G. – Le dessein d’insurrection ne fait aucun doute. Les nouvelles mesures prises contre les émigrés et les muscadins restent inopérantes par la volonté des sections thermidoriennes. Si les décrets annexes sont approuvés, le soulèvement aura lieu. Le Comité central existera demain, probablement à la section Le Pelletier. Celles des faubourgs ne bougeront pas ; elles regarderont sans se troubler. La Convention a perdu tout crédit auprès d’elles. Mais ce que l’on ne saurait plus tenter d’une façon collective réussira si l’on s’adresse aux individus. Il faut libérer plus largement, sans passer par les sections, les prétendus terroristes, non coupables de délits de droit commun, les réarmer, de façon à grossir les « patriotes de 89 » et à en composer une force capable de tenir tête à la garde nationale bourgeoise et aux muscadins. On les encadrera au moyen des officiers destitués par Aubry. Cela doit être entrepris sans délai. On peut accorder toute confiance à l’agent Héron et à ses sous-ordres, pour les moyens d’exécution. »

VIII
    Non, à présent le petit Buonaparté n’était pas pressé de partir. Quand il sollicitait son envoi à Constantinople, il souhaitait réellement d’y aller ; un instinct le poussait vers cet Orient d’où sort toute gloire comme en sort le soleil, disait-il à son ami Songis. Les Mémoires du baron de Tott, les ouvrages des abbés de Marigny et Reynal, sur lesquels, studieux adolescent, il avait médité la plume à la main, lui montraient, dans l’Orient la route des Indes et le chemin prestigieux de l’empire du monde. Mais c’était là un rêve. Il y trompait le dépit de se voir refuser un emploi promettant une gloire plus rapide : celle de faire reculer devant ses canons les illustres généraux de l’Autriche. Maintenant la situation devenait différente ; la tension qui croissait sans cesse entre les contre-révolutionnaires et les perpétuels annonçait pour prochain un recours aux armes. Qui sait quelle chance pourrait s’offrir alors à un soldat résolu ?
    Tout ensemble superstitieux et fataliste, le jeune général de vingt-six ans croyait à la Fortune. Elle lui avait souri une fois en le faisant arriver à Marseille, afin de rejoindre son poste à l’armée d’Italie, au moment où les représentants en mission cherchaient un officier instruit pour commander l’artillerie devant Toulon. Il se rappelait cette chaude relevée de septembre 93 où son frère aîné, Joseph, était venu en hâte le prendre au club des Jacobins pour le mener à Cervoni envoyé d’Ollioules par leur compatriote Saliceti, et qui attendait dans un café. Il manquait d’enthousiasme, le petit capitaine. Ce qu’il désirait, c’eût été de servir sur le Rhin. Là s’acquéraient rapidement les réputations et les grades. Néanmoins il s’était rendu aux instances de Joseph. Le soir même, chevauchant un mauvais bidet de poste, il partait pour Toulon, et le lendemain, au Beausset, il se présentait à Carteaux, ancien dragon, ancien peintre en émail, général fort capable d’appliquer contre l’ennemi la tactique de masses imposée par Carnot, mais totalement inapte à diriger un siège.
    Cette

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