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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sauver par une politique souple et adroite. Son propre projet de constitution, fondé sur le principe d’une majorité souveraine, perdait tout sens à partir du moment où l’on rétablissait, deux catégories de citoyens : une minorité active, une majorité passive. La réaction thermidorienne courait désormais sans obstacles à la monarchie.
    Quant à sa situation personnelle, il n’éprouvait aucun souci à cet égard. Les Montagnards restant dans la Convention étaient si manifestement étrangers au mouvement du 2 Prairial que même les Thermidoriens ultras ne tentaient pas d’accuser le seul représentant soupçonnable : Fouché. À présent, le peuple jugulé, la sans-culotterie anéantie, pourquoi donc eût-on inquiété les membres subsistants des Comités de l’an II, ces fantômes ?
    Ce fut en pleine tranquillité que, le 8 Prairial, Claude, après avoir passé à Neuilly la soirée de la veille et la nuit, retourna au Palais national vers dix heures, par une belle matinée printanière. Mai s’échauffait enfin. Les érables et les sycomores de la cour déployaient maintenant toutes leurs verdures. Comme il allait entrer au pavillon de l’Horloge, sur le perron où Danton, un an plus tôt, lançait sa dernière menace à Vadier et Amar, Claude se sentit saisir par le bras. « Viens par là », lui disait en même temps la voix de Legendre. Il le ramena dans la cour, à l’écart. « Mounier, ajouta-t-il en baissant le ton, monte en voiture et sors de Paris à l’instant. C’est un conseil d’ami, crois-moi.
    — Mais !… s’exclama Claude, éberlué.
    — Tu seras arrêté d’ici une heure. Je ne puis t’en dire davantage. Sur ce, bonne chance ! » Il s’éloigna, gravit les cinq degrés du perron.
    Inconcevable ! Pourtant il n’y avait pas à douter de Legendre, d’une amitié nourrie dans les luttes communes et persistant malgré l’évolution de ses idées, à lui, songea Claude repassant la grille aux flèches dorées. Un locatis le mena au Pont-Neuf où il avisa rapidement sa sœur. En descendant, il prit à la station de la Monnaie un autre fiacre qui le conduisit aux jardins de la Muette. Il entra chez un limonadier, but une bavaroise à l’eau, pour laisser passer un peu de temps. Puis, d’un pas flâneur, il gagna le bois de Boulogne et y disparut, se dirigeant vers Neuilly. Une fois là, on verrait. Il pensait avoir brouillé sa piste suffisamment pour être en sécurité un jour ou deux.
    Ce que Legendre ne pouvait lui révéler, le Comité de Sûreté générale le savait seulement depuis la veille. Une insurrection semblable à celle de Paris s’était produite dans le Var. Le peuple de Toulon, révolté contre la réaction thermidorienne, avait forcé l’arsenal, enlevé les armes, contraint par la menace les représentants Brunel et Nion à libérer les patriotes emprisonnés. Brunel s’était suicidé de désespoir. Triomphants, les insurgés marchaient sur Marseille pour soulever tout le Midi, lorsque les députés en mission dans les Bouches-du-Rhône, Isnard, Cadroy et Chambon, les avaient fait cerner par des troupes rapidement amenées de l’armée d’Italie.
    Le Comité ne douta pas que les deux insurrections, déclenchées au même moment et visant un même but, ne fussent liées. La responsabilité en revenait évidemment aux Montagnards, dont Charbonnier, Saliceti, Ricord, ex-robespierristes non encore rappelés de leur mission en Provence, servaient les desseins. Dans sa lettre, Nion accusait nommément Charbonnier d’avoir, en secret, dirigé le mouvement. C’en était trop ! Il fallait en finir une fois pour toutes avec le jacobinisme, ses fantômes, ses séides !
    La séance de la Convention débutait à peine – et Claude roulait vers la Muette –, quand Rovère demanda la parole, au nom des deux Comités, « pour un rapport terminé à l’instant », dit-il. Il relata les faits, insista sur la liaison entre la révolte toulonnaise et la rébellion parisienne, marquées toutes deux par la mort d’un député, vitupéra « une minorité criminelle, auteur de tous les attentats contre la représentation nationale », puis conclut en réclamant l’arrestation de Charbonnier, Escudier, Ricord, Saliceti. La droite, poussant des hurlements d’indignation, s’écria que cela ne suffisait point. On devait anéantir tous les factieux. Clausel, Henry-Larivière, Bourdon de l’Oise exigèrent « pour commencer », la mise en

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