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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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Prenez garde aux propos que vous tenez. » Elle regarda rapidement à l’entour. « Mais vous avez raison. À propos du duc, savez-vous que lorsque sa femme lui a reproché de lui imposer la présence de sa maîtresse, il aurait donné à ses domestiques l’ordre de s’asseoir sur elle jusqu’à ce qu’elle se calme ? Et elle serait restée ainsi écrasée sur le sol jusqu’à ce que le sang lui coule du nez. » Les lèvres de lady Honor se retroussèrent en une moue de dégoût.
    « Je l’avais entendu dire. Pour ma part, j’ai un assistant dont les origines ne pourraient être plus basses. Or le duc et lui ont des manières très semblables.
    — Ainsi, vous vous tenez entre les plus hauts et les plus bas comme une rose entre les épines ? plaisanta-t-elle.
    — Seulement comme un pauvre gentilhomme. »
    Nous nous mîmes à rire tous les deux, mais notre rire se perdit dans un coup de tonnerre fracassant, juste au-dessus de nous. Les cieux s’ouvrirent alors et un torrent de pluie s’abattit, nous trempant aussitôt. Lady Honor leva les yeux.
    « Oh ! Seigneur, ce n’est pas trop tôt ! »
    Je clignai des yeux pour en chasser les gouttes de pluie. La fraîcheur de l’eau était délicieuse après la chaleur torride de ces derniers jours. Le soulagement me coupait le souffle.
    « Il faut que je rentre, dit lady Honor. Mais nous devons encore parler, messire Shardlake. Il nous faut nous revoir. Quoique je n’aie plus rien à dire à propos du feu grégeois. » Elle s’approcha et m’effleura la joue de ses lèvres dont la tiédeur soudaine contrastait avec toute cette pluie froide. Sans se retourner, elle franchit la porte donnant sur l’escalier et la ferma. Je restai planté là sous la pluie battante, une main sur ma joue, figé par la surprise.

22
    J e m ’ éloignai de la M aison de verre sous une averse dont les gouttes rebondissaient sur ma toque comme des milliers de minuscules graviers. Mais l’orage fut de courte durée. Lorsque j’atteignis Cheapside, les derniers roulements de tonnerre s’éloignaient. Dans les rues, les rigoles centrales s’étaient transformées en ruisseaux, qui drainaient les ordures des ruelles où, en une demi-heure, l’eau avait changé la poussière en boue. Les dernières lueurs de la longue soirée d’été s’éteignaient. Je sursautai en entendant les cloches de l’église St Mary the Bow sonner à toute volée derrière moi pour marquer le couvre-feu. La porte de Ludgate allait fermer et il faudrait que je demande l’accès à la Cité. Chancery continuait à avancer lourdement, la tête basse. « Allons, mon vieux bidet, on sera bientôt à la maison », dis-je en caressant son flanc blanc, et il me répondit par un petit hennissement sourd.
    L’extraordinaire conversation que je venais d’avoir avec lady Honor tournait et retournait dans ma tête comme un écureuil dans sa cage. Son baiser, quoique chaste, constituait une audace pour une femme de son rang. Mais il m’avait d’abord fallu la contraindre à reconnaître qu’elle avait lu les papiers pour qu’elle adopte un ton plus intime. Elle m’attirait, et plus encore après cette soirée, mais je devais rester sur mes gardes. Ce n’était pas le moment de me laisser obséder par de tendres sentiments pour une femme. Demain, nous serions le deux juin. Plus que huit jours.
    Une certaine agitation régnait autour de Ludgate. Je vis des allées et venues d’hommes portant des torches sur l’un des côtés de l’ancien corps de garde où se trouvait la prison pour dettes. Y avait-il eu une évasion ? En m’approchant, je m’aperçus qu’unepartie de l’enceinte extérieure, où l’on avait monté un échafaudage, s’était effondrée. Je fis arrêter Chancery en face d’un constable occupé à examiner au moyen d’une lanterne une petite pile de pierres rondes dans la rue, sous l’œil du gardien et de quelques badauds.
    « Que s’est-il passé ? » demandai-je.
    L’homme leva le nez et se découvrit en voyant qu’il avait affaire à un gentilhomme. « Un morceau de la muraille s’est écroulé, monsieur. L’ancien mortier s’effritait, et les ouvriers l’ont gratté aujourd’hui, et puis l’orage a détrempé ce qui restait, si bien que des blocs de pierre sont tombés. Heureusement que le mur a trois mètres d’épaisseur, sinon les prisonniers se sauveraient comme des rats. » Il plissa les yeux en me regardant et ajouta : « Excusez-moi, monsieur, mais savez-vous

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