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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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gaillards ? demanda Barak.
    — Toute la journée, répondit l’un d’eux. Du charbon pour les boulangeries du roi. » Il avait un curieux accent chantant, et je m’avisai que, comme la plupart des charbonniers, il venait des régions sauvages du nord.
    « Par une pareille chaleur, cela doit être dur, hasardai-je.
    — Oui, et mal payé, rétorqua un autre en lançant un regard appuyé à Barak, qui hocha la tête et donna une claque sur sa bourse, faisant tinter les pièces.
    — Lequel d’entre vous est Hal Miller ? demandai-je, décidé à entrer dans le vif du sujet.
    — Moi », répondit un solide bonhomme d’une quarantaine d’années, au crâne chauve et aux grosses mains noueuses. Des yeux bleus me fixèrent, très vifs, dans un visage rouge barbouillé de poussière.
    « Je voulais vous parler d’une nouvelle boisson qui a été rapportée des rivages de la Baltique il y a quelques mois. D’après ce que je sais, vous avez essayé de la vendre.
    — Peut-être, dit-il. En quoi cela intéresse-t-il le comte ?
    — Simple curiosité de sa part. Il aurait aimé savoir comment elle était fabriquée.
    — Il n’est pas le seul à s’y intéresser. D’autres l’ont fait, qui m’ont menacé.
    — Qui ? demandai-je vivement.
    — Un dénommé Toky. » Miller cracha sur le sol. « Le coquin a toutes les audaces, malgré sa gueule à faire tourner une sauce.
    — Le comte peut vous offrir sa protection, lança Barak.
    — Qu’est-ce qui intéressait Toky dans cette boisson ? demandai-je.
    — Il voulait nous l’acheter.
    — Et il y est arrivé ?
    — Oui, dit Miller, qui resta un moment silencieux, puis se pencha en avant, posant ses bras massifs sur la table. À l’automne dernier, on m’a offert une place sur un bateau appartenant à l’un des marchands aventuriers, à destination de la Baltique. Vous savez qu’ils essaient d’établir des liens commerciaux là-bas, et de casser le monopole de la Ligue hanséatique. Mes compagnons m’ont conseillé de rester sur les bateaux charbonniers, et j’aurais mieux fait de les écouter. Il nous a fallu trois semaines pour traverser la mer du Nord et remonter la Baltique. Une fois là, nous n’avons pas osé nous arrêter dans les ports allemands, de peur que les marchands de la Ligue ne nous fassent arrêter. Lorsque nous sommes arrivés dans les régions où règnent les chevaliers Teutoniques, nous étions à moitié morts de faim et de froid. Seigneur, c’est sinistre là-haut. Rien que des forêts de pins jusqu’au rivage. Et en hiver, la mer gèle…
    — Vous avez accosté là-bas ?
    — Oui, dans un endroit appelé Libau. Les Polonais étaient ravis de faire du commerce avec nous. Nous avons embarqué un chargement de fourrures et d’autres curiosités que le capitaine Fenchurch n’avait jamais vues, comme une drôle de poupée qui s’ouvre sur d’autres poupées plus petites. Et un baril de ce liquide appelé vodka, que boivent les Polonais. Notre équipage en a goûté, mais on aurait dit du feu tant ça brûlait. Une petite tasse nous a rendus malades comme des chiens. Le capitaine Fenchurch en a quand même rapporté avec lui un demi-baril. »
    Comme le soldat Saint-John avait jadis rapporté de Constantinople certain autre baril. « Qu’est-il arrivé à cette boisson ?
    — Le capitaine Fenchurch nous a donné notre solde à Londres. Avec ce que lui avait coûté le voyage, il n’avait fait qu’un piètre profit, même en comptant les fourrures, et il n’envisageait pas de repartir là-bas. Alors, je suis retourné travailler sur les charbonniers. Mais il m’a donné en souvenir une bouteille de vodka, que j’ai apportée ici. Tu te rappelles cette soirée, Robin ?
    — Je ne suis pas prêt de l’oublier, répondit un de ses compagnons, un jeune gars blond, qui poursuivit : Hal est arrivé ici et nous a parlé des Polonais, avec leurs grandes barbes, leurs chapeaux pointus en fourrure et leurs forêts sombres, et puis il a sorti cette bouteille. Dedans, il y avait un liquide transparent qu’il a fait circuler en nous disant que c’était ce que buvaient les Polonais. Tu nous avais prévenus que c’était fort, et que nous ne devions en boire qu’une gorgée, pas vrai, Hal ?
    — Oui, Robin, mais toi, tu t’es cru plus malin que tout le monde, dit l’un des autres en riant.
    — Eh, oui, répondit le jeune marin blond. J’ai pris une grande lampée au goulot, et par ma foi j’ai cru que ma tête allait éclater,

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