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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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J’apprends que le duc ne secontentera pas de mon amende. Il veut que je lui fasse des excuses publiques dans la Grande Salle.
    — On ne peut nier que tu as violé toutes les règles de la courtoisie…
    — Tu sais bien que ce n’est pas de cela qu’il s’agit, rétorqua-t-il aussitôt, les yeux brillants de colère. De quelque façon que je tourne mes excuses, elles seront prises pour un reniement de mes convictions religieuses.
    — Godfrey, dis-je gravement, pour l’amour du ciel, fais tes excuses, et attends une autre occasion pour te battre. Si tu refuses, on t’interdira d’exercer, et tu seras un homme fini.
    — Pourquoi pas ? murmura-t-il. Cela pourrait devenir une cause célèbre dans les annales juridiques, comme le cas Hunne 13 .
    — Hunne a été assassiné pour avoir défié l’Église, par des hommes de main à la solde des papistes.
    — Noble façon de mourir. » Un étrange sourire joua sur ses lèvres. « Existe-t-il plus belle mort ? »
    Je frissonnai malgré moi. Elle revenait, cette soif étrange qu’avaient certains de mourir en martyrs, et d’exulter dans leur souffrance vertueuse. Je l’observai fixement. Il eut un petit rire.
    « Pourquoi me regardes-tu ainsi, Matthew ? »
    Sous l’inspiration du moment, je lui dis : « Godfrey, puis-je te soumettre une question ?
    — Bien sûr.
    — Si Dieu te donnait un pouvoir miraculeux, disons un feu puissant comme la foudre, capable d’anéantir d’un seul coup tes ennemis, des armées entières, et que, pour cela, tu n’aies qu’à lever la main. »
    Il se mit à rire. « C’est un cas tiré par les cheveux, Matthew. Jamais il n’y a eu de miracle de ce genre depuis le passage de Notre-Seigneur sur la terre.
    — Mais disons que tu aies ce pouvoir à ta disposition. »
    Il secoua dévotement la tête. « Je n’en serais pas digne.
    — Imagine que tu l’aies, insistai-je. Un pouvoir qui, si tu l’utilisais, tuerait des milliers de gens, des innocents pour la plupart. L’emploierais-tu ? »
    Il sourit doucement. « Certes, oui. Je le mettrais au service du roi, pour confondre ses ennemis dans le pays comme à l’étranger. L’Ancien Testament explique que, souvent, de nombreuses personnes doivent mourir pour que la cause de Dieu triomphe. Souviens-toi de Sodome et Gomorrhe.
    — Qui ont été détruites par le feu et la foudre ? » Je fermai les yeux un moment. « Tu ne présenteras pas tes excuses, n’est-ce pas ? »
    À nouveau, la lueur fanatique brilla dans ses yeux et il me répondit avec son doux sourire : « Non, Matthew, je n’en ai pas l’intention. »
    Nous montâmes l’étroit escalier qui menait au cabinet de Bealknap. Le cadenas avait été enlevé. Je frappai un coup péremptoire à la porte, que Bealknap ouvrit lui-même. Il avait ôté sa robe et son pourpoint tant il faisait chaud et ne portait que sa chemise de toile blanche. Au-dessus du col, on voyait sortir des poils blonds et raides. Sans sa tenue d’avocat, il ressemblait plus à la canaille qu’il était en réalité.
    « Mon cher confrère, dis-je, j’essaie de vous trouver depuis un certain temps. Où étiez-vous ? »
    Il fronça les sourcils. « Je vaquais à mes affaires. » Il regarda le crâne tondu de Barak d’un œil surpris. « Qui est-ce ? » Puis il avisa Leman et ses yeux s’écarquillèrent. Le marchand lui adressa un sourire malveillant. Bealknap essaya de nous claquer la porte au nez, mais Barak, plus prompt que lui, passa un pied dans l’entrebâillement de la porte et l’empêcha de la refermer avec son épaule. Bealknap recula en chancelant tandis que Barak se frottait le bras en grimaçant. « Morbleu, j’avais oublié ma brûlure. »
    Nous entrâmes. Debout au milieu de son cabinet, aussi mal rangé qu’à l’accoutumée, Bealknap avait le visage rouge d’indignation.
    « Comment osez-vous ! cria-t-il. Vous ne manquez pas d’audace ! Vous introduire chez moi ! » Il tendit vers Leman un long doigt. « Pourquoi avez-vous amené ce coquin, Shardlake ? Il a une dent contre moi, et il raconterait n’importe quelles sornettes sur mon compte… »
    Barak prit la parole. « Vous ne vous souvenez sûrement pas de moi, messire, car je n’étais qu’un gamin à l’époque, mais mon beau-père était l’un de vos témoins à la cour de l’évêque. Edward Stevens. Drôle de race, les témoins. Parfois, ils surgissent de nullepart pour se porter garant de l’honnêteté d’un homme qu’ils n’ont jamais rencontré.

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