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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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stupide. Il ne nous aurait pas parlé comme il l’a fait s’il ne savait pas qu’il ne risquait rien. Il y a une chose qui nous échappe.
    — Le comte a ajouté qu’il vous connaît et qu’il sait que vous aimez avoir tous les détails d’une affaire pour les mettre à plat avant de tirer vos conclusions, mais qu’en l’occurrence il ne reste plus assez de temps, alors il faudra que vous preniez au plus court. »
    Je ris avec amertume. « Alors que nous nous trouvons face à un adversaire aussi retors, et dans une affaire aussi complexe et secrète que celle-ci ? Me croit-il capable de miracles ?
    — C’est à lui qu’il faudrait poser la question. Il tournait dans son bureau de Whitehall comme un ours en cage prêt à attaquer. Et il a peur. Il veut que nous allions à St Bartholomew aujourd’hui. Le moment est propice, puisqu’on emmène Rich pour l’interroger. Il veut que ce fameux cercueil soit ouvert. » Barak se laissa tomber sur les coussins. Sous son hâle, il avait un teint grisâtre ; les événements de la nuit passée commençaient à affecter sa robuste constitution.
    « Comment va votre épaule ? demandai-je.
    — Elle me fait mal, mais elle va mieux. Et votre bras ?
    — Pareillement. La douleur est supportable. » Je réfléchis un moment. Je préférais me rendre à St Bartholomew seul. Si je trouvais un peu de feu grégeois dans la tombe du soldat, je voulais le confier à Guy, alors que Barak, je le savais, l’apporterait aussitôt à Cromwell.
    « Je vais aller à St Bartholomew seul, dis-je, le cœur battant. Restez ici et reposez-vous. »
    Il me regarda, stupéfait. « Vous êtes bien plus mal en point que moi. »
    Je mentis : « Je suis monté me reposer dans ma chambre pendant que vous, vous affrontiez la mauvaise humeur du comte. Laissez-moi y aller.
    — Et si Toky rôde dans les parages ?
    — À cheval, je pourrai m’enfuir. Ne vous inquiétez pas. »
    Il hésita, puis, à mon grand soulagement, se laissa aller sur les coussins. « Ce n’est pas de refus. Seigneur ! je ne crois pas avoir jamais été aussi fatigué. Le comte dit que la mère Neller paiera pour sa trahison une fois l’affaire terminée.
    — Tant mieux. Je vais demander à Simon de vous apporter de la bière. Je serai de retour avant la nuit.
    — Très bien. Je crois que le petit valet s’imagine que je suis un soldat de fortune, ajouta-t-il en riant. Il me demande toujours ce que je fais pour lord Cromwell, s’il m’envoie sur les champs de bataille.
    — Cette fois-ci, il nous y a bel et bien envoyés tous les deux. Ne laissez pas Simon vous importuner.
    — Oh, il n’est pas gênant. Bonne chance, ajouta-t-il en me regardant.
    — Merci. »
    En quittant la pièce, je restai un instant dans le couloir. Si j’étais soulagé que Barak ait accepté ma proposition sans barguigner, je me sentais également coupable. Manifestement, il me faisait confiance désormais. La semaine précédente, il ne m’aurait sans doute pas laissé partir seul pour pareille mission. Je frémis à l’idée que, en trompant Barak, je trompais également Cromwell.
    Les rues étaient calmes en cette fin d’après-midi, tandis que je cheminais vers Smithfield. Lorsque je tournai sur la grand-place, je croisai une charrette conduite par un vieil homme dont le visage était couvert d’un chiffon. Elle était pleine de vieux os, de thorax, de bassins anguleux, de fémurs et d’os de bras empilés pêle-mêle dans un incroyable désordre d’où émergeait, çà et là, le sourire moqueur d’un crâne. Les lambeaux pourris d’anciens suaires pendaient entre les os jusqu’au sol et, quand la charrette passa à ma hauteur, je sentis l’odeur humide et douceâtre du tombeau. Je savais que nombre de squelettes des cimetières monastiques étaient emportés jusqu’aux marécages de Lambeth pour y être jetés discrètement ; ceux-ci devaient venir de St Bartholomew. Pourvu que j’arrive à temps ! Rich avait dit qu’ils ne commenceraient à ouvrir les tombes du cimetière de l’hôpital que dans quelques jours. Tandis que j’éperonnais mon cheval pour lui faire traverser Smithfield, je sentis une brise bienfaisante sur mon visage et remarquai que, bien que les anabaptistes se fussent rétractés, le bûcher se dressait toujours, avec ses chaînes de fer, sinistre rappel de son usage.
    Un nouveau gardien des Augmentations se tenait sous le porche d’entrée du prieuré, un jeune homme zélé qui me demanda ce que je

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