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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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corps verserait.
    Barak regardait la scène avec dégoût mais qu’en pensait-il au juste ? Ç’avait été un véritable exploit que d’aller jusqu’à Cromwell, de réunir ces hommes et de revenir si rapidement à Queenhithe. Or il n’avait pas l’air fatigué, alors que moi, je me sentais épuisé. La procession passa lentement, et nous reprîmes notre route. Heureusement, les ombres commençaient à s’allonger et les encorbellements protégeaient du soleil.
    « Qu’est-ce que vous avez dans la poche ? » me demanda-t-il tandis que nous remontions la rue menant à Bishopsgate.
    Je portai ma main à mon pourpoint et constatai que j’y avais glissé machinalement le livre de Sepultus.
    « Un livre sur l’alchimie. » Je regardai fixement Barak. « Comme vous me surveillez ! Vous pensiez que la formule se trouvait avec les papiers que j’ai donnés à dame Gristwood ? »
    Il haussa les épaules. « On ne peut faire confiance à personne, par les temps qui courent. Surtout si on est au service du comte. Et puis, ajouta-t-il avec un sourire insolent, vous êtes avocat, et tout le monde sait que c’est une engeance à tenir à l’œil. Sinon, ce serait crassa negligentia , comme vous dites, vous autres.
    — Vous savez le latin ?
    — Oh oui ! J’ai fréquenté le latin et les hommes de loi. Beaucoup d’entre eux sont d’ardents réformateurs, non ?
    — On ne peut le nier, répondis-je avec circonspection.
    — Vous ne trouvez pas amusant que, maintenant que les moines et les frères ont disparu, les hommes de loi restent les seuls à circuler en robe noire, en essayant d’extorquer leur argent aux gens ?
    — Depuis toujours, on brocarde les avocats, répondis-je sèchement. Cela devient lassant.
    — Et vous avez fait vœu d’obéissance, sinon de chasteté et de pauvreté », rétorqua Barak, toujours narquois. Sa jument se faufilait avec agilité dans la foule, et je dus donner de l’éperon à Chancery pour qu’il ne se laisse pas distancer. Nous passâmes sous la porte de Bishopsgate et bientôt apparurent les cheminées de l’impressionnante demeure à deux étages de Cromwell.
    Quand j’y étais allé la dernière fois, il y a trois ans, par une âpre journée d’hiver, une foule de gens attendait à la porte latérale. Par ce chaud après-midi, il y avait encore un attroupement. Des gueux de Londres, pieds nus et déguenillés. Certains tenaient debout avec des béquilles de fortune, d’autres avaient le visage ravagé par la petite vérole ou les stigmates d’autres maux. Le nombre de pauvres désœuvrés dans la ville augmentait, échappant à tout contrôle. La dissolution des monastères de Londres avait jeté sur le pavé des centaines de domestiques ainsi que les infortunés patients des hôpitaux et des infirmeries. Et si les charités distribuées par l’Église étaient congrues, maintenant, elles aussi avaient disparu. On parlait d’œuvres charitables, de fondations d’écoles et d’hôpitaux, de projets financés par l’État. Mais rien n’était encore fait. Entre-temps, Cromwell, adoptant la coutume des riches propriétaires terriens, distribuait lui-même ses aumônes, ce qui renforçait son crédit à Londres.
    Nous passâmes devant les mendiants et entrâmes par la porte principale. Devant l’entrée de la demeure, un serviteur vint à notre rencontre et nous demanda d’attendre dans le vestibule. Quelques minutes plus tard apparut John Blitheman, le majordome de lord Cromwell.
    « Messire Shardlake, soyez le bienvenu, dit-il. Cela fait longtemps qu’on ne vous a vu ici. La loi vous occupe donc tant ?
    — Eh oui. »
    Barak, qui avait détaché son épée, la tendit avec son bonnet à un petit domestique et s’approcha de nous.
    « Il nous attend, Blitheman. » Le majordome m’adressa un sourire d’excuse et nous pria de le suivre. Quelques instants plus tard, nous nous trouvions devant la porte du bureau de Cromwell. Aux coups discrets de Blitheman fut répondu un « Entrez ! » très sec.
    Le bureau du ministre était tel que je me le rappelais, encombré de tables couvertes de rapports et de projets de loi. L’endroit était austère, malgré le soleil qui entrait à flots. Cromwell était assis derrière son bureau, dans une attitude bien différente de celle qu’il avait eue le matin même : tassé dans son fauteuil, la tête rentrée dans les épaules, il nous adressa un regard si lugubre que j’en eus le frisson.
    « Ainsi, dit-il sans

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