Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
Les gamins connaissent les horaires de Bathsheba. Elle sera là cet après-midi. »
    Nous passâmes devant des venelles en terre bordées de petites maisons en bois, et encombrées de détritus nauséabonds où les chiens et les cochons venaient gratter pour trouver à manger. La puanteur des tanneries de Southwark rendait l’air chaud encore plus lourd. Conformément aux règlements en vigueur à Southwark, les bordels étaient peints en blanc, se détachant ainsi sur le torchis crasseux des autres logis. Au-dessus de chaque porte se trouvait une enseigne évocatrice : Adam et Ève nus, un lit, une chemise de nuit. Nous nous arrêtâmes devant une maison de piètre apparence à la peinture écaillée. Une mitre était grossièrement peinte sur l’enseigne. Les volets étaient fermés. De l’intérieur nous parvinrent de bruyants éclats de rire masculins. Après avoir écarté à coups de pied deux ou trois ribaudes accroupies devant la porte, Barak frappa avec assurance.
    Une femme entre deux âges nous ouvrit. Petite et trapue, elle avait un visage carré assez laid entouré de cheveux roux frisés. Elle portait sur la joue la marque au fer des putains de Londres, qui tranchait sur sa peau blanche. Elle nous examina d’un œil soupçonneux.
    « Bonjour, madame, dit Barak. J’ai amené mon maître de la Cité. Il préfère les maisons tranquilles. »
    Elle m’étudia de la tête aux pieds puis hocha la tête et dit : « Entrez. »
    Nous la suivîmes dans une pièce sombre où il faisait encore plus chaud que dans la rue. L’encens à bon marché qui brûlait dans un coin dissimulait mal l’odeur âcre des corps mal lavés et des chandelles de mauvaise qualité. Celles qui étaient allumées sur la table fumaient, éclairant deux hommes entre deux âges eux aussi, sans doute des boutiquiers, à leur aspect. L’un était gros, avec une mine joviale ; l’autre mince et mal à l’aise. Une fille était assise à côté de chacun d’eux, une créature avenante pour le gros homme et une jeune fille d’environ seize ans, à l’air inquiet, pour son compagnon. Ainsi installées devant la table, elles avaient un aspect plus étrange qu’érotique.
    La patronne désigna un buffet devant lequel un garçon maigrelet en justaucorps graisseux attendait à côté d’un tonnelet de bière. « Voulez-vous manger quelque chose avec nous, monsieur ?
    — De bon cœur. » Elle fit un signe au garçon qui emplit deux chopes de bière et vint les poser sur la table. La ribaude potelée se pencha et glissa à l’oreille du gros homme quelque chose qui le fit éclater d’un rire gras.
    « Ça fera deux pence chacun, messieurs », dit la patronne. Je lui passai les pièces qu’elle examina soigneusement avant de les glisser dans une bourse pendue à sa ceinture. Elle nous adressa alors un sourire, une fente rouge découvrant des dents gâtées.
    « Mettez-vous à l’aise. Je vais chercher deux autres filles pour se joindre à nous, et le déjeuner sera joyeux.
    — Une seule, pour mon maître, dit Barak. Il est timide et en veut une gentille qui le traitera avec douceur. On a entendu parler d’une certaine Sheba, ou Bathsheba, qui travaille ici. »
    Les yeux de la patronne s’étrécirent aussitôt : « Qui vous a dit ça ?
    — Quelqu’un à l’hôtel de ville, répondis-je.
    — De quelle compagnie ?
    — Je ne m’en souviens pas. C’était pendant l’un des dîners. » Je me forçai à sourire. « Je les aime douces et il m’a dit que Bathsheba était agréable. Je paierai plus cher pour une fille douce.
    — Je vais voir. » Elle disparut par une porte intérieure.
    « La mienne est douce et ronde à souhait ! s’exclama le gros boutiquier. Pas vrai, Mary ? » La fille lui adressa un clin d’œil, semit à rire et lui jeta un bras autour du cou, ce qui fit trembloter ses gros seins veinés de bleu.
    J’entendis la patronne appeler quelque part à l’intérieur de la maison. « Daniel, arrive ici ! » Le garçon se précipita et je ne perçus plus que des chuchotis. Une minute plus tard, la patronne revint et me sourit à nouveau.
    « Bathsheba va vous recevoir dans sa chambre, monsieur. Emportez votre chope si vous voulez.
    — Merci, je préfère la laisser ici. » Je me levai, m’efforçant de paraître empressé.
    « Vous ne voulez pas perdre de temps à boire, hein ! » gloussa le gros bonhomme.
    La patronne me conduisit dans un couloir sombre où plusieurs portes étaient fermées. Ses pas lourds

Weitere Kostenlose Bücher