Les Mystères de Jérusalem

avoir passé la commande, sans un mot, il se planta une longue minute devant les cartes fixées aux murs puis feuilleta les livres et les documents empilés sur ma table. Avec une indiscrétion absolue et sans un mot, il se mit à parcourir quelques-unes de mes notes en fronçant les sourcils. J'hésitai à protester, mais les feuillets qu'il avait entre les mains ne contenaient rien de bien intime. De plus, la curiosité l'emportait chez moi sur 1'˘-ritation,
    261
    Au-delà de ses mauvaises manières, le personnage de Doron m'intriguait.
    Curiosité ou voyeurisme de romancier, je suppose. Pour la première fois, je lui découvrais un véritable comportement de policier, quelque peu thé‚tral, comme s'il cherchait à occuper, avec toute la masse de son ventre, les différents registres de son personnage. Néanmoins, comme cela durait, pour marquer mon agacement, je passai sur la terrasse et le laissai à son rôle.
    La brume grise du matin s'était dissoute. Sous un ciel à peine moucheté de cumulus, la lumière semblait plus cristalline que jamais. Les verts de la vallée de la Géhenne s'étaient lavés des poussières accumulées. Une bande d'enfants y jouait avec un ballon rouge. Leurs cris et même les frappes dans le ballon me parvenaient par-dessus la rumeur permanente de la ville en sons très distincts. Une femme avec un petit enfant se mit à rire au bord de la piscine, juste sous le balcon. Son rire, presque incongru, déchira d'un coup toute la tension de ces dernières heures, comme si je retrouvais enfin mes yeux pour voir au-delà de l'instant. Soudain, chaque parcelle de Jérusalem, qu'elle f˚t antique ou moderne, me sembla plus proche, plus pure, soudée dans une unité aux contours nets, aux ombres volontairement marquées pour en souligner la puissance et la solidité.
    Je m'assis dans l'un des deux fauteuils de toile de la terrasse, conscient brusquement d'une fatigue tout autant morale que physique. J'entendis la porte de la chambre s'ouvrir dans mon dos, la voix de Doron, puis il apparut sur la terrasse, portant le plateau de notre déjeuner et son sacrosaint café. Avec sa surprenante souplesse, il le posa délicatement sur la petite table avant d'incruster sa propre masse dans l'autre fauteuil, qui craqua.
    Il empoigna aussitôt la cafetière.
    - C'est bien ce que je pensais, commença-t-il à mi-voix. Sokolov était dans l'hôtel quelques minutes avant l'arrivée des types à moto.
    je me servis à manger sans dire un mot.
    - La porte du coffre a été défoncée à l'aide d'un boîtier " NFTE ".
    je le regardai en soulevant les sourcils.
    262
    - Xytrogy1cerin Focus 7˚ning Explosiw.. Un engin pas plus gros qu'une boîte d'allumettes, contenant une minuscule ampoule de nitroglycérine et une horloge électronique qui s'enclenche par simple contact sur une surface métallique. Très précis, très efficace, sans dég‚ts inutiles...
    Il resta pensif encore quelques secondes.
    - Et très rare parce que... c'est un engin militaire! On l'utilise pour ouvrir des portes en cas d'attaque en heu clos ou, dans les commandos, pour miner les bombes adverses, ce genre de chose. A priori, ça ne fait pas encore partie de l'arsenal de la mafia. Et ça confirme ce que je pensais, hélas. Comme tout le reste de ce coup... Trop précis, trop minuté...
    J'attendis qu'il aille au fond de sa réflexion. Comme rien ne vint, je posai la question qui me taraudait depuis que nous avions quitté son bureau.
    - Comment ont-ils su ?je veux dire : que nous avions le lingot et qu'il était dans le coffre de l'hôtel... Et dans ce coffre-là, en particulier, puisqu'ils y sont allés directement?
    Doron approuva d'un signe de tête. Il reposa sa tasse de café sur sa panse.
    qui savait o˘ se trouvait le lingot?
    Tom et moi. Orit et le professeur Calimani aussi...
    - Les gens de l'hôtel ?
    - Oui> il a bien fallu réserver le coffre. Mais justement, par précaution, nous en avons loué deux...
    - Deux coffres ? Tiens! fit Doron en me gratifiant d'un regard surpris. Ils sont donc allés tout droit au bon coffre?
    - E semble.
    que contient l'autre?
    Rien, il est vide!
    Intéressant! qui vous a vu déposer le lingot?
    Personne. Pas même le caissier, parce que je l'ai occupé avec des questions idiotes pendant que Tom plaçait l'or dans le numéro 16.

    - Calirnani ne savait pas?
    - Non, dis-je, embarrassé. En fait, c'était aussi par méfiance envers lui que nous avons pensé à ce stratagème!
    La panse de Doron