Les Mystères de Jérusalem
en effet.
- Ils me proposent plus d'argent que je n'en ai jamais vu de ma vie, mais ils sont fous! reprit le vieil homme, laissant éclater sa fureur. Il est un peu tard pour que Rab HaÔm transforme ses paperasses en argent. je sais depuis longtemps que ces vieux papiers sont une mine d'or. Mais, s'il faut des yeux pour les lire et une cervelle pour les comprendre, il faut aussi une ‚me pour palper cet or-là. Et ces... Bah, ils n'ont pas de nom! je sais ce qu'ils veulent en faire, de ces manuscrits: les br˚ler. Oye! Tout simplement les br˚ler! Ils se moquent de l'histoire, ils se moquent de la mémoire! Ils se moquent de la vérité et se croient éternels parce qu'ils font des affaires! C'est la boutique qu'ils veulent. C'est que je quitte cet endroit pour en faire un magasin de souvenirs ou je ne sais quoi...
Oye, oye, oye!je mourrai sous une pile de manuscrits peut-être, ou d'être trop vieux s˚rement, mais pas ailleurs qu'ici!
je ne savais que dire. je comprenais sa rage et ne trouvais pas un mot pour l'apaiser tant elle me paraissait juste. En fait, Rab HaÔm n'avait nul besoin de mon soutien. Changeant aussi soudainement d'humeur qu'une feuille tournant au vent, il revint à notre précédent échange comme si rien ne l'avait interrompu.
- Oui, oui, fit-il en gloussant doucement, qui sait sije n'ai pas là les manuscrits qui accompagnaient la confession du moine ? Il me semble me souvenir que... Patientez un instant, s'il vous plaît...
Il disparut dans les oubliettes de son anière-boutique.j'entendais les bruits menus de papiers déplacés et me repris à espérer. Si jamais... Rab HaÔm réapparut en secouant la tête, mais sans cesser de sourire.
- Non!... Il me faudrait des jours pour trouver quoi que ce soit! Oye, qye!
quelle tristesse que le manque d'ordre, ajouta-t-il en claquant ses mains l'une contre l'autre et en découvrant ses
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dents cariées. Mais vous n'êtes pas pressé, n'est-ce Pas? qui serait assez fou pour être pressé en courant derrière l'histoire!
Je songeai une fois de plus à Tom, et d'un signe de tête je convins que je pourrais attendre quelques jours.
- Maintenant que nous en parlons, je me souviens d'avoir eu entre les mains les manuscrits de deux érudits de l'époque des croisades qui ont raconté
l'histoire de notre ville par le menu... C'est bien le genre de choses que vous cherchez, n'est-ce pas?
- Précisément!
- Des manuscrits bien intéressants. Ils avaient déchiffré une tablette trouvée sous les décombres de l'ancienne forteresse cananéenne de Lakish.
Un scribe - qui assistait, voici deux mille cinq cents quatre-vingt-cinq ans, à sa prise par Nabuchodonosor, le roi de Babylone - y décrivait la ville avant sa destruction... Ils avaient aussi trouvé un texte exposant le débat provoqué par l'assassinat de Guedalia.
Guedalia, gouverneur de Judée au temps de Nabuchodonosor, fut tué par des fanatiques juifs. Les prophètes, horrifiés par ce meurtre d'un juif par d'autres juifs, décrétèrent un je˚ne public - le je˚ne de Guedalia - qui, depuis, est observé le lendemain de Roch ha-Shana, la nouvelle année juive... Voilà ce qu'il nous fallait : un témoignage datant de l'époque même de l'enfouissement du trésor du Temple!
- je sais à quoi vous pensez, dit Rab HaÔm, se méprenant sur mon silence. A l'époque, les prophètes étaient plus respectueux de nos valeurs qu'aujourd'hui...
- C'est qu'aujourd'hui il n'y a plus de prophètes! répondis-je un peu machinalement.
Et, maîtrisant mon excitation du mieux que je le pouvais, je demandai :
- Pensez-vous les avoir, ces textes?
- Les avoir, oui, mettre la main dessus, c'est une autre histoire, comme pour le reste... Cependant, vous tombez bien : ce doit être plus facile que pour les papyrus du moine. (Il dévoila à nouveau ses mauvaises dents.) Un savant italien est venu me voir il y a deux jours pour me demander des documents de ce genre. J'ai commencé à chercher. Revenez demain soir. Je dors mal la nuit, ça me laisse le temps de fouiller et...
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La clochette de la porte nous"fii alors sursauter. Mais, cette fois, Rab HaÔm hocha la tête de satisfaction.
- Oye, l'…ternel a lu dans mes pensées!
Un homme d'une cinquantaine d'années* vêtu d'un costume de lin beige qui enveloppait son embonpoint avec élégance, entra dans la boutique. Il souleva son panama avec un grand sourire. Son abondante chevelure noire et gominée lui donnait un air de vieux
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