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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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une semaine, les Japonais avaient gonflé énormément, et leurs jambes et leurs ventres et leurs croupes crevaient leurs uniformes. Ils étaient de couleur verte et pourpre, et les larves couvaient dans leurs blessures et grouillaient sur leurs pieds.
    Les larves, d’un demi-pouce de long, ressemblaient à des limaces et à des brouailles de poisson. Elles couvraient les cadavres comme des abeilles s’agglutinent autour de la tête d’un apiculteur. Il n’était pas possible de distinguer les blessures ; la vermine pullulait et grouillait paresseusement dans les moindres craquelures de la chair. L’air aviné, Gallagher regardait une théorie de larves qui s’engouffrait dans la bouche béante d’un mort. Peut-être espérait-il qu’elles feraient entendre quelque bruit, car il se sentit en colère à les voir ripailler en silence. La puanteur était pénétrante, et les mouches volaient en essaims autour des cadavres.
    « Salopes de mouches », grogna-t-il. Il fit le tour d’un corps et ramassa une petite boite de carton qui traînait à terre. Pourri par l’humidité, le carton se défit dans ses mains ; il y trouva quelques fioles minuscules, qui contenaient un "liquide noirâtre. « Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il, après avoir contemplé les fioles d’un œil morose. Personne ne lui répondit, et il les rejeta à terre au bout d’un moment. « Ce que je veux savoir, c’est où foutre qu’ils sont, les souvenirs ? »
    Wilson essayait d’enlever la culasse d’un fusil rouillé. « Un de ces jours je vas me procurer un de leurs sabres samoreille », annonça-t-il. Tout en grimaçant, il déplaça un cadavre avec la crosse du fusil. « Sacrée charogne, voilà ce qu’on est tous, de la sacrée charogne. » Des côtes perçaient le torse du mort, vaguement argentées dans la lumière du crépuscule, tandis que la chair crue était d’un brun verdâtre. « Ç’a l’air d’une épaule de mouton », affirma Wilson. Il soupira de nouveau et se mit à descendre la butte. Plusieurs grottes naturelles s’ouvraient de l’autre côté du talus, et dans l’une d’elles une demi-douzaine de corps s’empilaient sur l’e faîte d’une quantité de boîtes et de caisses à claire-voie. « Eh, les gars, appela Wilson, je vous ai trouvé quelque chose. » Il était lier de lui-même. Leurs brocards d’ivrogne l’avaient vexé. « Quand le vieux Wilson vous dit qu’il dégotera quelque chose, alors tu peux compter dessus. »
    Un camion vrombit sur le chemin, filant en direction de quelque bivouac. Wilson agita la main puérilement.
    Puis il s’accroupit et regarda à l’intérieur de la grotte. Des autres l’avaient rejoint, et tous examinaient la place. « Y a un tas de cantines là-dedans, fit Wilson.
    – C’est que des caisses à claire-voie, dit Red.
    – C’est ce que je veux dire, lui expliqua Wilson. On les vide, et on a des cantines qu’on ramène avec nous. »
    Red jura. « Si te veux des caisses, y en a tant et plus à la compagnie.
    – Mais non, lui expliqua Wilson. C’est de la camelote, leurs caisses. Celles-ci sont faites comme de vraies cantines.
    – Je veux être baisé si je vas me coltiner une boîte tout le long du chemin », dit Red.
    Martinez s’était éloigné de quelques mètres. Il avait remarqué un cadavre dont la bouche montrait des dents d’or, et il les dévorait des yeux. Il s’immobilisa à la hauteur du corps, le regard fasciné. Il y avait là au moins sept ou huit dents qui semblaient de l’or massif. Il jeta un coup d’œil rapide sur ses compagnons qui passaient à l’intérieur de la grotte.
    Une convoitise tout à coup s’empara de lui pour ces dents d’or. Il entendait les hommes qui farfouillaient dans lu grotte, qui se lançaient des jurons, et malgré lui il regarda de nouveau la bouche béante du cadavre, i Pas servir à lui », se dit-il. Tendu dans l’angoisse, il s’efforçait d’estimer la valeur de cet or. « Trente dollars peut-être », se dit-il.
    Il s’en fut, puis revint sur ses pas. Un profond silence planait sur le champ de bataille ; seul s’entendait le bourdonnement des mouches au-dessus de la butte. En bas, dans la vallée, tout n’était que puanteur et dévastation. Des débris d’hommes mutilés et de véhicules jonchaient la place qui ressemblait à un cimetière de ferraille noire et rouille, avec çà et là une tache d’herbe verte. « Tout puer », se dit Martinez,

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