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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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fascinant. Figée et silencieuse, la lutte de la montagne et des nuages et du ciel était plus pure et plus intense que celle d’aucun océan contre aucun rivage que Croft eût jamais vu. Les rochers s’assemblaient pour la nuit, ils se serraient contre la furie des eaux. La mêlée semblait avoir lieu infiniment loin, à la pensée d’atteindre le pic dans la nuit du lendemain Croft tressaillait d’excitation. De nouveau il se sentait sous le coup d’une extase brutale. La montagne, sans qu’il sût pourquoi, le tourmentait, elle l’appelait comme si elle possédait la réponse à ce qu’il cherchait. Elle était si pure, si austère.
    Avec colère, avec un sentiment de frustration, il se rappela soudain qu’ils n’escaladeraient pas la montagne. Si la journée du lendemain s’écoulait sans histoires ils passeraient le col à la tombée de la nuit, et il n’aurait jamais la chance de s’attaquer au pic. Il était maussade en passant les jumelles à Hearn.
    Hearn était très fatigué. Il avait survécu à la marche sans incident, il s’était même senti capable de marcher plus longtemps, mais il avait besoin de repos. Il était d’humeur taciturne, et quand il eut regardé dans ses verres, la vue de la montagne lui inspira un respect mêlé de crainte. Elle était trop immense, trop écrasante. Tout en observant le brouillard qui tourbillonnait au niveau du pic, il ne put se défendre contre un frisson. Il voyait réellement un océan furieux parti à l’assaut d’une côte bardée de rochers, et malgré lui il prêtait l’oreille comme pour capter l’écho de quelque combat titanesque. Pourtant, de très loin, de l’autre versant de l’horizon, un murmure lui arrivait pareil à un ressac, ou peut-être pareil à un tonnerre étouffé.
    « Ecoutez », dit-il, touchant le bras de Croft.
    Couchés tous deux à plat ventre sur le sommet de la colline, ils écoutaient avec recueillement et attention. De nouveau Hearn perçut un fin écho de tonnerre qui lui arrivait dans la nuit tombante.
    « C’est de l’artillerie, mon lieutenant. Ça vient de l’autre côté de la montagne. Je crois qu’y a une attaque qui se prépare.
    – Vous avez raison. » Ils se turent, et Hearn repassa les jumelles à Croft. « Vous voulez jeter un autre coup d’œil ? demanda-t-il.
    – Si ça vous fait rien », dit Croft, rajustant les jumelles sur ses yeux.
    Hearn le regarda. Une étrange expression se peignait sur le visage de Croft. Il n’aurait pas su la nommer, et cependant elle lui envoya un frisson le long de la colonne vertébrale. Son visage était durci, ses minces lèvres s’entrouvraient, ses narines palpitaient. Le temps d’une seconde Hearn se fit l’impression de voir tout au fond de Croft, de se pencher sur un abîme. Il se détourna, regarda ses mains. On ne peut pas se fier à Croft. Une sorte de calme lui vint, dû à la banalité même de la constatation qu’il venait de faire. Il jeta un dernier regard sur les nuages et sur la montagne. Cette fois il en fut encore plus troublé. Les rochers montaient, très haut, et le ciel obscurci y descendait par vagues successives de brouillard tourbillonnant. C’était une de ces côtes où des navires géants iraient s’échouer, pour se briser en miettes et couler en quelques minutes.
    Croft lui passa les jumelles et Hearn les remit dans leur étui. « Allons-y, il nous faut désigner la garde avant qu’il fasse trop noir », dit-il.
    Ils se laissèrent glisser le long de la pente, vers le creux où gisaient les hommes.
    LE CHŒUR :

LES PERMISSIONS
    Dans le creux, cette nuit-là, couchés côte à côte.
    Brown . – Ecoutez, vous savez, avant qu’on est parti j’ai entendu dire que les permes arrivent la semaine prochaine, et que ce coup-ci c’est notre compagnie qu’aura dix hommes sur la liste.
    Red (ricanant). – Tu parles si c’est pas pour les ordonnances.
    Minetta . – Dis, ça te fait rien, toi, que nous on fait ce boulot avec pas assez d’hommes dans la section et que là-bas ils ont une douzaine d’ordonnances pour ces pouilleux d’officiers ?
    Polack . – T’accepterais pas, toi, de faire l’ordonnance ?
    Minetta . – T’as foutrement raison que j’accepterais pas, je me respecte moi.
    Brown . – Mais je plaisante pas, Red, peut-être qu’on sera de la fournée, toi et moi.
    Red . – Combien de permissionnaires qu’elle a eus le mois dernier, notre compagnie ?
    Martinez . – Un. Mois avant,

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