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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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une tente.
    – Moi, y a pas un seul de ces enculés-là à qui je ferais confiance », dit rageusement Gallagher.
    Red bâilla, puis ramena ses jambes. « Y a la pluie qui commence », dit-il.
    Des gouttes de pluie résonnaient sur la tente. Le ciel avait la couleur unie, vert-plomb, d’une vitre dépolie ; mais là-derrière il y avait une sorte de lustre, comme si une intense lumière brillait de l’autre côté du panneau. « Il va pleuvoir comme vache qui pisse, dit Red. Vous l’avez bien amarrée votre tente, au moins ?
     – Je pense que si », fit Wilson. Un soldat passa en courant, et le bruit de son pas évoqua des pensées maussades dans l’esprit de Red. C’était déprimant, un homme qui courait pour se mettre à l’abri. Il soupira de nouveau. « Tout ce que j’ai jamais fait dans ma vie, c’est d’avoir le cul mouillé, grommela-t-il.
    – Tu sais, dit Wilson, ce Stanley pisse aux quatre vents maintenant qu’il est caporal. Je l’ai entendu dire à un des bouche-trous comment que ç’a été à Motome. « Ç’a été « salement dur », il disait. Il fit entendre son petit rire.
    « J’étais content qu’il pense ça, Stanley, parce que moi je suis pas encore sûr. »
    Gallagher cracha. « C’est pas moi qui me laisserai emmerder par Stanley.
    – Voui », dit Red. Gallagher et Wilson croyaient toujours qu’il avait eu peur de Stanley. Au diable avec eux. Quand il avait appris que Stanley allait être caporal, il n’avait ressenti qu’amusement et mépris. C’était bien ça : Stanley était de la pâte à sergot. « Rien de tel que lécher le cul des officiers pour aller au paradis », grogna-t-il à mi-voix.
    Ça n’était pas si simple, cependant. Il se rendit compte brusquement qu’il aurait voulu être promu caporal. Il faillit rire à haute voix, un peu amèrement, comme s’il ne devait jamais venir à bout des surprises. « Elle m’a possédé, l’armée, songea-t-il. C’était la vieille souricière. D’abord on vous flanque la trouille, puis on vous coud des rubans. Si on lui avait offert son ruban, il l’aurait refusé… Seulement, au moins, il aurait bien rigolé en refusant. »
    Un éclair flamboya tout près, et peu de secondes après le tonnerre parut exploser au-dessus de la tente. « Dis, ça été pas loin », fit Wilson.
    Chargé d’orage, le ciel était presque noir à présent. Red pensait que toute sa vie il n’avait fait que refuser des ficelles, et maintenant… Il se toucha la poitrine avec le plat de la main, à plusieurs reprises, lentement, mélancoliquement presque. Il avait toujours vécu en lui-même, avec, pour tout avoir, ce qu’il pouvait emporter sur son dos. « Plus de choses tu possèdes, plus il t’en faut pour vivre à ton aise. » C’était un sien axiome, mais cette fois-ci il n’en tira pas une bien grande consolation. Il broyait du noir. Il y avait un long, long temps qu’il était un solitaire.
    « Voilà la pluie », dit Gallagher.
    Le vent fouettait rageusement les tentes. La pluie arriva doucement, tambourina la toile caoutchoutée de l’abri, puis augmenta d’intensité. En peu de secondes elle devint furieuse, enflée comme la grêle. Les tentes se mirent à se cambrer, à forcer sur leurs attaches. Des tonnerres explosèrent au loin, et un nuage creva au-dessus du bivouac.
    Un frisson entama les hommes sous la tente. Ceci n’allait pas être un orage ordinaire.
    Wilson se souleva, arquant son dos contre le faîtage. « Nom de Dieu, grommela-t-il, ce vent décapiterait un homme. » Au-delà des barbelés le feuillage semblait écrasé, comme si une horde d’animaux l’avait piétiné.
    Wilson risqua un coup d’œil dehors, puis secoua la tête. Au milieu d’un vide verdâtre fait d’herbe et d’arbrisseaux que l’averse écrabouillait, le camp était à peine visible. Le vent soufflait avec une force énorme, et Wilson, gui se tenait à genoux, semblait en mesurer la violence. Bien qu’il se fût reculé à l’instant même où il avait mis le nez dehors, son visage ruisselait d’eau. Il n’y avait pas moyen d’aveugler les fentes et les coutures dans la toile par où l’eau pénétrait rapidement sous la tente, ni d’éviter les coups d’embrun que le vent y rabattait. Ayant submergé la tranchée d’écoulement, la pluie commençait d’inonder la niche. Gallagher plia les couvertures, et les trois hommes, s’étant accroupis sous la toile qui claquait dans le vent,

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