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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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fantassins, il nous faut la place !
    — Il y en a ben de la place, en avant », grogne un caporal, dans sa haine des « artiflots ».
    Les tanks débouchent, et les avions de bombardement. Les Allemands se retranchent dans Blanzy, font donner les tubes de 77 qui accablent aussi les Feldgrau, pour arrêter à toute force, même en prenant le risque de tuer des fantassins allemands, l’attaque des Français. Le village est encerclé, assailli par les grenadiers. Les mitrailleuses crachent encore. Une ferme résiste. Un Schneider en défonce les murs.
    L’agent de liaison Blézel apporte les ordres : se regrouper devant le village occupé. Les fantassins voient refluer les tirailleurs du 4 e mixte. Beaucoup de capotes kaki dans la plaine. La moitié de l’effectif. On emporte les blessés au poste de secours. Ceux du 48 e régiment avancent en ordre, mais par petits groupes, dans un champ de topinambours, se gardant des obus de 105 dans un bois. Alerte aux gaz ! Les hommes prennent le masque. Le lieutenant porte-drapeau Brouillard, de Lille, est tué par un éclat. Deux « musicos » l’emmènent dans une civière. Partout des cris de blessés.
    Le 19 juillet, attaque du village de Saint-Rémy-Blanzy. Les hommes n’ont pas mangé depuis le 17. Des miettes de biscuit et du chocolat. Les roulantes ne suivent pas. Les poilus fouillent les sacs des Allemands morts pour récolter les pains noirs d’une livre, qu’ils trouvent détestables et moisis.
    « Nom de Dieu ! crie un fantassin. Ça finira bien un jour, cette boucherie, le bétail fera peut-être bien la grève. Il est vrai que nous sommes si avachis ! »
    La position allemande est enlevée. Les poilus sont surpris par les feuillées de l’ennemi : une grande planche sert à poser les pieds ; à quatre-vingts centimètres du sol, une longue perche pour appuyer les reins. « Aucun feuillage ne cache la vue de ces feuillées. » Quelle indécence ! « On pose en famille ! »
    L’attaque du village de Plessier-Huleu, le 20 juillet, obtient d’abord des résultats rapides, mais les renforts allemands surgissent. Les poilus se mettent « immédiatement et sans ordre en position de tir », ils arrosent les assaillants de quarante obus Stokes. Des corvées partent aussitôt pour réapprovisionner les pièces en munitions. Les chars s’avancent lourdement, le village est pris aux moindres frais. Rien dans les caves, les Allemands ont tout pillé. Mais les roulantes arrivent enfin. « Chacun se tape la cloche comme des gars qui n’ont pas mangé depuis quatre jours. »
    Le lendemain, nouveau départ à l’assaut d’une ferme fortifiée. Un poilu perd la tête : il veut « fuir ces lieux de tuerie ». Il jette son sac et son équipement à terre.
    « Tu deviens fou, lui dit son voisin. Et les copains ? — Les copains je m’en fous, je ne veux pas mourir ! » L’adjudant hurle : « La troisième pièce, suivez-moi ! » Le soldat défaillant boit un verre de gnôle et repart. « La force de l’esclavage, dit-il, a repris le dessus. »
    Un avion allemand s’est écrasé dans les pommiers, abattu d’un coup de fusil par un poilu du 1 er régiment. Il bombardait les fantassins à la grenade. Ils veulent tuer le pilote. Un capitaine le sauve de justesse.
    Le 26, quand le régiment est relevé par le 105 e de Riom, il a perdu un tiers de son effectif et gagné la fourragère dans le « charnier de Plessier-Huleu ». Sur la route de Longpont défilaient les compagnies relevées, chantant « la vieille chanson du Nord », Le P’tit Quinquin. « En peu de temps, ils sont redevenus des hommes », commente le servant d’engin Stokes. Ils ont échappé à la mort. Ils partent pour l’Alsace, « le rêve de tous les poilus », celui des secteurs calmes et des nuits étoilées.
    *
    Les Allemands avaient résisté jusqu’au bout de leurs forces au Grand-Rozoy. Ils n’évacuaient la position que le 28 juillet. La compagnie du soldat Bidali avait rampé longtemps dans la plaine. Pour éviter les éclats, les soldats s’abritaient derrière leur sac. Ils avançaient plus vite la nuit malgré les illuminations des fusées éclairantes, et mettaient la baïonnette au canon pour les attaques de jour, uniquement « pour reprendre leur assurance ». Les biffins avançaient en petites colonnes quand Bidali fut touché à la jambe droite, jeté dans un trou d’obus. Il attendit longtemps avant d’être secouru dans son

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