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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Henry, se nourrissait plus de cigarettes que de ragoût ou de
     fèves au lard. Pourtant, Henry s’était bien juré de ne plus toucher au tabac.
     Mais être terré derrière un talus italien, sous les tirs des Allemands qui les
     surplombaient tout le temps, avait eu raison de sa bonne volonté.
    — S’il vous plaît, parlez-moi de Montréal, demanda-t-il à nouveau.
    Le correspondant de guerre sourit :
    — Que voulez-vous savoir ?
    — Tout…
    — Voilà une bien grande demande... Bien, on pense beaucoup à nos soldats. La
     population fait son effort de guerre. Les usines consacrent toute leur
     production à l’armement ou à l’équipement de l’armée. Les hommes qui ne sont pas
     à la guerre doivent rester à leur emploi. Les femmes sont courageuses. Elles
     font garder les enfants et vont travailler, elles aussi, dans les usines. Vous
     seriez surpris de voir combien ont troqué la jupe pour la salopette !
    Henry se contenta de sourire.
    — Ça prenait une guerre pour sortir les femmes des chaumières, reprit le
     journaliste. Dieu sait où cela va nous mener ? Surtout que grâce à Adélard
     Godbout, les femmes ont le droit de vote, maintenant !
    — J’en connais une qui doit être remplie d’allégresse, murmura Henry en pensant
     à Marie-Ange.
    Il se revit prendre le train avec la femme et le bébé sauvé des flammes par
     Pierre. Marie-Ange avait décidé d’élever la petite fille à Montréal dans
     l’ancienne maison de Léonie. Durant les mois précédant la guerre, Henry avait
     passé le plus clair de son temps avec Marie-Ange. Quelle femme étonnante ! Elle
     n’avait pas lalangue dans sa poche et brûlait d’une flamme
     féministe digne des Thérèse Casgrain et des suffragettes américaines. Henry
     aimait ces femmes fières, rebelles, revendicatrices. Si Marie-Ange avait été
     plus jeune... Malgré lui, il partit à rire. Il fallait être vraiment enterré
     dans un coin reculé du nord de l’Italie pour avoir ces pensées. Le journaliste
     se méprit.
    — Oui, il y a bien du monde qui trouve que c’est la meilleure farce du
     siècle.
    — J’imagine que quelques-uns ne doivent pas rire du tout.
    — C’est évident.
    — Ça doit être à cause de leur collet blanc ! Quand c’est trop serré, ces
     ornements religieux, ça empêche d’avoir les idées claires, dit Henry en écrasant
     son mégot sous la semelle d’une de ses bottes.
    — Vous vous entendriez bien avec Adélard Godbout. Je vais vous le présenter
     quand la guerre sera terminée.
    — Il semble être un homme remarquable. Pourtant, j’avoue que je ne croyais pas
     en lui. J’avais mis mes espoirs en Duplessis.
    Le journaliste se racla la gorge. Cette conversation dépassait, de loin, le
     cadre de son travail.
    — Bon, et si nous revenions à notre entrevue. Le major Triquet…
    Henry lui coupa la parole.
    — À part les femmes qui votent, y doit se passer autre chose ?
    Marcel Ouimet hésita. Il cacha un soupir d’agacement et répondit :
    — Il y a le maire de Montréal, Camilien Houde, qui est en prison depuis
     août 1940.
    — Son crime ?
    — Il s’est opposé à la conscription, répondit succinctement le journaliste. Et
     il y a des sous-marins allemands qui se sont pointé le nez dans le fleuve
     Saint-Laurent. Les gens trouvent que le conflit se rapproche un peu trop à leur
     goût.
    Le journaliste commença à douter du succès de son entrevue. Il
     voulut remettre le sujet sur le tapis, mais le sergent le prit de court en lui
     demandant :
    — Parlez-moi du hockey.
    Découragé, le journaliste dit le peu qu’il en savait.
    — Bien, il y a ce nouveau joueur de l’année dernière qui a bien du talent. Ce
     Maurice Richard se démène sur ses patins comme un diable dans l’eau bénite.
     Maintenant, je crois que je vais vous laisser… Merci Sergent Vissers.
    Henry regarda le journaliste. Cet homme était courageux. Lui aussi faisait la
     guerre à sa façon.
    — Je m’excuse, monsieur Ouimet. Vous êtes juste tombé sur moi à un mauvais
     moment. Je broie du noir. Vous voulez que je vous parle d’une bataille qui… a
     causé tant de morts.
    — Racontez-moi, que leur mémoire survive.
    — Qui se souviendra de nos sacrifices en Italie ? Personne ne se soucie de
     nous. On sait tous que ça va se passer de l’autre bord.
    — Raison de plus pour m’en parler.
    — Vous les avez connus, vous étiez là l’autre jour.
    — Oui,

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