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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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mais je veux votre histoire, votre cœur.
    Henry se ralluma une autre cigarette avant de commencer à raconter.
    — Les petits gars étaient si fiers. On était une équipe. On se faisait
     confiance aveuglément. Pas une pomme pourrie, rien que des cœurs à la bonne
     place. Ils voulaient faire honneur à la bataille de Vimy, à leurs
     prédécesseurs.
    — Ah ! le 22 e , les héros de la Grande Guerre.
    — Oui, notre désir le plus cher était de se révéler à la hauteur de ces
     glorieux.
    — Vous l’avez été.
    — On est en Italie depuis l’automne. Au début, ça allait assez bien. Les Boches
     fuyaient devant nous.
    En bon journaliste qu’il était, Marcel savait écouter. Il voyait
     bien que ce sergent cherchait à éviter le sujet de la bataille. Il y avait si
     peu de survivants de cette journée meurtrière. Il devait en relater les
     événements. Il en connaissait déjà les grandes lignes, à savoir que la troupe
     était partie vers le matin et qu’ils avaient reçu comme ordre de prendre la casa Berardi , un hameau de quelques fermes. Situé en un endroit
     stratégique, il était vital que les Alliés s’en emparent. Un soldat arriva en
     chahutant auprès du journaliste, le dérangeant pendant son interview avec Henry.
     Dans ses mains, il tenait une petite boîte de conserve.
    — C’est-y pas beau c’te musique de Noël, hein, mon sergent ? Tenez, je vous ai
     apporté des candy . On est-y pas gâtés, vous pensez. C’est pour nous faire
     avaler de s’en retourner au front la nuit de la naissance du petit Jésus. Si on
     en donnait aux Allemands, ils viendraient peut-être giguer avec nous
     autres ?
    Henry refusa les bonbons.
    Le soldat tendit la boîte de fer au journaliste. Ce dernier choisit un de ses
     préférés, un rayé rouge qui goûtait la cerise.
    — C’est drôle de penser que voilà presque trente ans, des soldats avaient fait
     une trêve la nuit de Noël avec des Allemands, dit Henry.
    — C’est vrai ? dit le jeune soldat. Pendant la Première Guerre ?
    — Ils avaient fraternisé et même échangé des cadeaux.
    — Ils s’étaient fait prendre en photo, bras dessus, bras dessous, surenchérit
     le journaliste, qui connaissait l’histoire.
    — Tout avait été censuré.
    — Les états-majors n’étaient pas contents. De chaque côté, on les a menacés de
     la peine de mort s’il y avait encore quelque signe de fraternisation.
    — Vous voyez, dit Henry, cette nuit de 1914, la guerre aurait pu se terminer
     parce que de simples soldats en voyaient la bêtise.
    Le soldat aux bonbons s’exclama :
    — Cette fois-ci, les généraux prennent pas de chance. Ils nous
     envoient nous tirer dessus avant qu’on se laisse attendrir.
    — Attention à vos paroles, soldat Gagnon, le réprimanda Henry.
    Le soldat piqua du nez. Il ne fallait jamais remettre en question les décisions
     des hauts gradés.
    — De toute façon, ce n’est pas la même guerre, dit le journaliste.
    — Vous avez bien raison, dit Henry. Et ce ne sont plus les mêmes Allemands non
     plus. La première fois, je crois qu’ils ne désiraient pas plus se battre que
     nous autres. Ils avaient dans leur poche une photographie de leur épouse,
     fiancée, mère, sœur, et le même désir que leurs ennemis de quitter les tranchées
     et d’aller se blottir au chaud dans leurs foyers. Mais dans cette guerre-ci, les
     Allemands traînent avec eux la photo de leur führer ...
    Les trois hommes restèrent un instant silencieux, écoutant l’ Adeste
     fideles . Le journaliste eut l’idée d’un autre reportage, sur cette
     étrange nuit. Il dirait : « Pour la première fois de la guerre, des soldats
     canadiens passent Noël sur la ligne de feu. Un Noël dans la boue et à la
     pluie battante, avec l’espoir de redonner au monde et à tous ceux pour
     lesquels aujourd’hui ils ont une pensée spéciale, la paix la plus
     complète 1 . »
    Le soldat essuya une larme au coin des yeux.
    — Ouais, c’est beau à faire pleurer c’te musique-là… Ben moé, je vas m’en
     retourner.
    — Attendez, vous étiez à la casa Berardi  ? demanda le
     correspondant.
    — Oui, soldat première classe, monsieur.
    — Est-ce vrai que le major Triquet vous a crié de ne pas avoir peur ?
    Au contraire d’Henry, le soldat ne se fit pas prier pour parler
     de la bataille. Fier d’être ainsi questionné, il relata :
    — Nous étions à la moitié de la casa Berardi pis

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