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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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on essuyait le tir des
     Allemands de partout. Les gars tombaient comme des mouches. Le major s’est
     retourné face à nous. Il nous a crié : « Vous en faites pas, ils savent pas
     tirer ». Vrai comme je suis là, c’est ça que le major a dit, hein
     sergent ?
    Henry fit signe que oui. Le soldat reprit :
    — On s’est retrouvés pris comme des souris. Je vous jure, je sais pas si vous
     le savez, mais même les plus braves, on se serait cachés dans le premier trou
     venu. Lui, notre major je veux dire, ben, il nous gardait le moral. Jamais il
     nous a laissés tomber. On en connaît tous des histoires de troupes qui se sont
     retrouvées sans chef au moment critique. Y en a des gradés qui ont le tour de
     disparaître quand il est question de sauver leur peau.
    — Soldat Gagnon, c’est mon deuxième avertissement.
    — Mais pas au 22 e , oh, non ! Le major a crié : « L’ennemi est devant
     nous, derrière nous pis sur nos flancs. Il y a juste un endroit pour être en
     sûreté... En avant vers l’objectif ! »
    Henry sortit une autre cigarette de son paquet. Il l’alluma avec celle qu’il
     venait de terminer.
    D’une voix presque éteinte, le soldat continua son récit, les yeux dans le
     vague.
    — Pis là, ben, je pense qu’on avait déjà perdu la moitié des gars. Le major a
     donné l’assaut. On l’a suivi, pis on a foncé vers les lignes ennemies. Quand on
     a atteint la casa , il restait de nous autres à peine une poignée
     d’hommes. Même pas une vingtaine, dit le soldat d’une voix triste.
    — Continuez, je vous en prie, demanda le journaliste en prenant des
     notes.
    — Après, ben le major nous a regroupés autour des tanks, expliqua le soldat.
     Ceux qui marchaient encore comme de raison.Pis là, on s’est
     préparés pour la contre-attaque allemande. Ça a pas été long qu’ils ont riposté.
     On a tenu le coup jusqu’au lendemain. Le reste du bataillon est venu nous porter
     secours. Le major est un héros, je vous dis, monsieur le journaliste, il faut le
     dire à tout le Canada, sans lui, on serait pas là, ni le sergent ni moé pour
     vous le raconter.
    — On dit qu’il y a un soldat qui est mort en souriant ? demanda l’homme en
     continuant de prendre des notes.
    Henry se crispa. Il jeta sa cigarette et s’adressa à son subalterne.
    — Il est temps de rassembler les troupes. Soldat de première classe ?
    — Oui, sergent ?
    — Allez chercher vos compagnons.
    — Tout de suite, sergent.
    Marcel Ouimet observa le sergent Vissers. Son instinct lui disait qu’il tenait
     là une histoire à raconter. Il insista.
    — Ce soldat qui est mort, on dit qu’il fonçait vers l’ennemi en sifflant un air
     joyeux...
    L’homme fouilla dans ses notes.
    — Un certain soldat Gagné. Oui, voilà, Elzéar Gagné. Est-ce que vous pouvez me
     confirmer cette information ?

    Le petit Barthélémy endormi dans son lit, François-Xavier revint d’un pas
     pesant vers le salon. Avec un soupir, il se réinstalla dans sa chaise berçante
     et entreprit d’allumer une pipe. Il adorait ses enfants. Lui, orphelin, fils
     unique, il n’en revenait pas encore que Julianna lui ait donné une famille si
     nombreuse.
    — Tu le sais que j’hais ça pour mourir quand tu emboucanes le salon. C’est pas
     bon pour mon piano pis pour ma voix non plus. Avec la grippe que j’ai, là c’est
     vrai que je pourrai pas chanter.
    Comme pour appuyer ses paroles, Julianna se mit à tousser.
    De mauvaise grâce, il rangea sa pipe quand on frappa à la porte. C’était
     certainement Georges et Laura. Encore un lugubre réveillon en perspective, se
     dit-il tandis que sa femme allait les accueillir. Il ne pouvait en vouloir à son
     ami et beau-frère cependant. Dieu sait comment il aurait tenu le coup s’il avait
     perdu presque tous ses enfants dans un incendie ! Comme si cette épreuve ne
     suffisait pas, Georges avait renié son fils aîné et l’autre était à la guerre.
     Depuis que Georges et lui s’étaient affrontés après la mauvaise farce du pendu,
     leur amitié n’était plus la même. On ne pouvait d’ailleurs plus la qualifier de
     ce titre. De plus, Pierre était parti se cacher dans le bois. Les directions
     opposées que leurs fils avaient prises n’avait rien pour le rapprocher de son
     beau-frère.
    En soupirant, François-Xavier regarda avec envie sa pipe. Enfin, il fallait
     espérer qu’au moins, Elzéar reviendrait indemne de

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