Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
l’Italie. Comme le répétait
     Julianna, Dieu merci, Henry veillait sur lui.

    Le cœur de Pierre fit trois tours. Quelqu’un l’observait, il en était certain.
     Fébrilement, il ralluma le fanal et sortit de sa cachette en le tenant haut
     devant lui, scrutant les alentours.
    — Si c’est pour me souhaiter Joyeux Noël, fais-le donc en pleine face.
    Sa première idée fut que Gros Jambon l’avait suivi dans les bois. Il y avait
     longtemps que le bûcheron cherchait à connaître le but de ses promenades en
     forêt. Pierre s’en voulut de ne pas avoir sur lui son couteau de chasse. On ne
     savait jamais dans les chantiers. Les soirs de boisson, des fois, les esprits
     s’échauffaient. La neige tombait plus dru. En plissant les yeux, il aperçut
     enfin une silhouette qui sortait de derrière un arbre. Avec un soupir de
     soulagement, Pierre reconnut l’intrus. Ce n’était que le Sauvagequ’on surnommait Chapeau. C’était un très jeune Amérindien, d’une dizaine
     d’années peut-être. Depuis quelques semaines, le garçon rôdait autour du camp.
     Il arborait fièrement un vieux chapeau melon usé qui lui venait d’on ne sait où.
     Avec ses pantalons de laine foulée, sa veste rapiécée de morceaux de fourrure,
     il avait une étrange allure. Chapeau souriait toujours. Jamais il ne
     s’approchait autant. D’habitude, il se contentait d’apparaître, tel un fantôme,
     et de s’en retourner après avoir jeté un coup d’œil curieux par la fenêtre du
     camp. Cette fois, il était évident que l’Amérindien désirait échanger plus qu’un
     simple regard.
    — Que c’est tu me veux ? l’interrogea Pierre.
    L’Indien sourit, mais resta silencieux.
    Pierre se dit que les Sauvages portaient bien leur réputation. Il
     s’impatienta.
    — Va-t-en, c’est ma place icitte.
    Le garçon perdit sa gaieté et afficha une mine sombre qui fit immédiatement
     regretter à Pierre sa rudesse. Nul doute que ce Sauvage comprenait leur
     langue.
    — Retourne chez vous, de toute façon, je m’en allais rentrer.
    Son interlocuteur ne broncha pas. Pourquoi Pierre devina le handicap du
     Sauvage, il ne le sut pas trop. Les yeux qui s’exprimaient plus intensément que
     la normale, l’attitude d’attente peut-être, certainement la similitude avec son
     frère Léo, mais Pierre devina. L’Indien était muet. Pierre vérifia son
     hypothèse.
    — Tu peux pas parler, c’est ça ?
    L’infirme fit signe que oui, manifestement heureux que l’autre ait
     compris.
    — Bon ben, tout le monde t’appelle Chapeau, ça va être ton nom d’abord.
    Chapeau acquiesça.
    Pierre s’avança et lui tendit cérémonieusement la main. L’Indien, étonné par
     cette marque de politesse, semblait ébahi.
    — Ben, Joyeux Noël, Chapeau. Même si je sais pas si les Sauvages
     fêtent le p’tit Jésus.
    Chapeau partit à rire. Les dents blanches de la peau sombre luirent dans la
     nuit.
    Pierre reprit le chemin du campement. À son étonnement, il réalisa que l’Indien
     le suivait. Il haussa les épaules et continua son chemin. Tant pis. Il était
     frigorifié et n’avait qu’une hâte, pouvoir aller se réchauffer.

    Au salon, Julianna servait son frère comme s’il était le roi, son
     homonyme.
    — Encore un peu de tarte, mon Georges ? demanda Julianna.
    — Non, j’ai mangé en masse. Je prendrais ben un autre café. T’as-tu acheté du
     Nescafé comme je t’ai dit ?
    Julianna fit une paire de gros yeux à son mari.
    — François-Xavier dit que c’est pas buvable.
    L’intéressé se défendit et expliqua sa position :
    — Une poudre que tu mélanges avec de l’eau. Les cochons en voudraient
     pas.
    — On sait ben, tout ce qui est moderne, toi...
    — C’est pas vrai, Julianna Rousseau. Quand j’ai bâti ma fromagerie sur la
     pointe, on avait rien vu de plus moderne dans tout le comté.
    — Reviens-en de ta fromagerie. Moi je te parle de 1943, de notre vie icitte, à
     Saint-Ambroise, pas de v’là vingt ans !
    — Je suis le premier à avoir été content de la lumière électrique dans la
     maison. Pis bientôt, la ferme aussi, a va avoir le courant.
    — Pis le téléphone ?
    — Julianna, repars-moi pas sur cette chanson-là !
    Terminant de laver la vaisselle du souper, Yvette leva les yeuxau ciel. De la cuisine, la querelle de ses parents lui parvenait clairement.
     Elle n’en pouvait plus de vivre de cette manière. Si elle pouvait trouver un
    

Weitere Kostenlose Bücher