Les refuges de pierre
sentier.
— Oui, je le vois.
— Il monte vers le sommet de la colline, reprit Ramara.
Suis-le un moment, tu arriveras à une bifurcation. La piste de gauche est plus
escarpée, elle mène au sommet. Prends celle de droite, elle s’incurve autour du
flanc de la colline jusqu’à un endroit d’où tu pourras voir la Rivière des
Bois, en bas. Un peu plus loin, il y a un terrain découvert où on a creusé
plusieurs fosses : tu les sentiras avant d’y arriver. Cela fait un moment
que nous n’y avons pas répandu de poudre.
— De la poudre ?
— De la poudre de falaise cuite. Nous en répandons souvent,
mais je ne crois pas que tout le monde en fasse autant.
Ramara se pencha pour soulever Robenan, qui commençait à s’agiter.
— Comment fait-on cuire de la poudre de falaise... et
pourquoi ?
— On commence par réduire la roche en poudre puis on la
chauffe, généralement dans le foyer des feux de signaux, et on la jette dans
les fosses. Pourquoi ? Parce que cela chasse une bonne partie de l’odeur
ou que ça la couvre. Mais, quand on jette de l’eau dans les fosses, la poudre
redevient dure, et, lorsqu’elles sont pleines de saletés et de poudre de roche
durcie, il faut en creuser d’autres, ce qui demande beaucoup de travail. Alors
nous ne les saupoudrons pas trop souvent. Il faudrait le faire, en ce moment.
Nous sommes une grande Caverne, les fosses sont très souvent utilisées. Suis
simplement le sentier, tu les trouveras sans difficulté.
— J’en suis sûre. Merci, Ramara, dit Ayla tandis que la
femme s’éloignait.
Elle alla récupérer le bassin, pensa à emporter l’outre pour le
rincer et prit la direction du sentier. Trouver de la nourriture et la
conserver pour un groupe aussi nombreux représente beaucoup de travail,
pensa-t-elle en marchant, mais se débarrasser des excréments aussi. Les membres
du Clan de Brun se contentaient d’aller dehors, les femmes dans un endroit, les
hommes dans un autre, et ils changeaient de lieux chaque année. Ayla repensa au
système que Ramara lui avait décrit et fut intriguée.
L’obtention de chaux vive par chauffage, ou calcination, de
calcaire, son utilisation pour atténuer l’odeur des excréments, ce n’était pas
une pratique qu’elle connaissait, mais pour des hommes qui vivaient au pied de
falaises calcaires et qui gardaient des feux constamment allumés, la chaux vive
constituait un sous-produit naturel. Après avoir nettoyé un foyer de ses
cendres, qui contenaient invariablement de la chaux accumulée par hasard, et
les avoir jetées sur un tas d’autres déchets, ils n’avaient sans doute pas été
longs à remarquer leur effet désodorisant.
Avec un tel nombre d’hommes et de femmes vivant en un lieu plus
ou moins permanent – sauf en été, lorsque divers groupes s’absentaient –,
beaucoup de tâches requéraient les efforts et la coopération de toute la
communauté, comme le fait de creuser des fosses ou, comme Ayla venait de l’apprendre,
de rôtir des morceaux de falaise calcaire afin d’obtenir de la chaux vive.
Le soleil atteignait presque son zénith quand Ayla revint des
fosses. Elle trouva un endroit où laisser sécher le bassin tressé puis décida
de passer voir les chevaux et d’en profiter pour remplir l’outre. Plusieurs
personnes la saluèrent lorsqu’elle parvint sur le devant de la terrasse. Elle
sourit, hocha la tête en réponse mais se sentit un peu gênée avec ceux dont
elle avait oublié le nom. Elle se reprocha son manque de mémoire et se promit d’apprendre
au plus vite le nom de chacun.
Cela lui rappela ce qu’elle éprouvait quand certains membres du
Clan de Brun lui signifiaient qu’ils la trouvaient un peu lente parce qu’elle n’avait
pas une aussi bonne mémoire que les jeunes du Clan. Désireuse de s’intégrer à
ceux qui l’avaient recueillie, elle s’obligeait donc à se souvenir de ce qu’on
lui expliquait pour la première fois. Elle ignorait qu’en exerçant son
intelligence naturelle à retenir ce qu’elle apprenait, elle développait ses
capacités de mémorisation bien au-delà de la normale.
Avec le temps, elle finit par constater que la mémoire des
membres du Clan ne fonctionnait pas comme la sienne. Bien qu’elle ne comprît
pas tout à fait qui ils étaient, elle savait qu’ils avaient des « souvenirs »
qu’elle n’avait pas, en tout cas pas de la même façon. Sous la forme d’un
instinct qui avait évolué selon une ligne un
Weitere Kostenlose Bücher